« Le jour d’avant » est, en date, le dernier coup de colère de Sorj CHALANDON. En fait, il est la colère fondatrice de ses écrits, de son œuvre. Sans être issu des Corons, n’ayant pas de lien de sang avec le milieu des mineurs, Sorj CHALANDON a été marqué par la catastrophe minière de Lens-Liévin (27/12/1974). Jeune journaliste à Libération, il sent que la mort à la mine n’est pas une fatalité. La catastrophe, trop vite rebaptisée pudiquement accident, pouvait être évitée. Même s’il sait que les journalistes ‘couvrent’ ce type d’évènements, la colère s’installe en lui et il réalise combien ces ‘couvertures’ peuvent cacher les blessures béantes qui restent au cœur des victimes, des familles, du milieu des mines, de celui des pauvres dont le travail comportait plus de risques de vie que d’épanouissements et n’était l’objet d’aucune reconnaissance d’un réel service rendu à la société. Les compagnies minières, tirées par le capitalisme ambiant ont exploité leurs travailleurs, ne les ont pas protégés et jamais justice n’a été rendue à ces victimes. Là réside la colère fondatrice de ce roman.
Très symboliquement, CHALANDON tourne autour d’un nombre de victimes des mines … plus une ! Au-delà de la froideur des chiffres statistiques, il y a la réalité des gens qui sont victimes du système sans jamais être assimilés à ceux à qui on doit des comptes ! Là se nourrit la colère de l’auteur.
Avec l’écriture souple, agile, le ton proche du récit qu’on lui connaît, l’auteur nous emmène dans une vraisemblable histoire des corons. La vie y est rendue avec toute l’âpreté des conditions de travail, la pauvreté tout autant que la dignité des travailleurs dont la densité de leur silence quand le grisou se fait entendre. Moi qui ai grandi à proximité d’un charbonnage, j’ai le souvenir de ces gueules noires rentrant le soir dans les impasses ou dans les baraquements sans aucune sécurité du bout de ma rue. Plus d’une fois j’ai été ému à la lecture de ce livre qui dit avec justesse l’exploitation dont les mineurs, leurs familles étaient l’objet. Chez l’enfant sans conscience que j’étais alors cette situation ne soulevait aucune interrogation, aucune colère. L’adulte devenu se doit de s’interroger…
CHALANDON, il l’a déclaré plus d’une fois, a écrit ce livre pour rappeler à notre temps les mécanismes économiques inhumains qui régissent le monde et diluent le sens des responsabilités et le devoir de mémoire, de reconnaissance qui devrait naître de leurs prises de conscience. Mais CHALANDON ne libère pas sa colère sous forme de documentaire ou de pamphlet. Non, il nous entraîne dans un vrai roman construit avec de vrais personnages, une intrigue et un déroulement du récit qui donne soif de lire, de savoir… et de comprendre.

A part ‘La promesse’ qui relève de la pure fiction (et qui n’en est pas moins un livre intéressant), tous les sujets traités par CHALANDON sont pour lui une manière de traiter les souvenirs gravés en lui lors de ses expériences de vie que ce soient les expériences vécues comme journalistes : conflits en Irlande (Retour à Killysbegs ou Mon traître) ou les guerres du monde arabe (Le quatrième mur) ou des expériences plus personnelles dont la relation difficile avec son père (Profession du père). Chaque fois, CHALANDON nous entraîne auprès de lui, auprès de nous. Toujours, il dit quelque chose de l’universel qui touche, fortifie ou fragilise l’Homme.

Une vraie plume qui se met au service de l’humanité et de la littérature. A consommer sans modération.

François_CONSTANT
9

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le 2 oct. 2017

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