Un roman étonnant, s’inscrivant dans la droite lignée du picaresque, pour nous dire le calvaire de la population juive au début du vingtième siècle, des pogroms à l’Holocauste. Aaron Tamerlan Munteanu en est le porte-parole, lui le juif rouge, depuis toujours en marge, remarquable par sa taille, deux mètres vingt-neuf, et sa chevelure de feu. On fait sa connaissance alors qu’il se bat dans les Carpates contre les armées allemandes et autrichiennes. Fait prisonnier en compagnie de son camarade de combat, son destin va trébucher sur des événements anecdotiques mais déterminants : le sort en est jeté, Aaron est condamné à rester prisonnier de ce corps immense pour l’éternité, témoin impuissant condamné à voir se resserrer l’étau autour de son peuple,
Dès les premières lignes, on est capté par la truculence et les provocations du narrateur :
« J’ai toujours rêvé d’être un antisémite »
Mais l’absurde n’est là que pour mieux exposer l’horreur, de la guerre puis de l’acharnement de l’Allemagne hypnotisée par la mégalomanie de son guide spirituel. Enfermé dans sa malédiction, Aaron va sillonner l’Europe sur les traces d’un avenir qu’il perçoit aussi inévitable que désastreux. Même la Terre promise se révèle être un piège explosif. De rencontres en révélations, le voyage pèse lourd sur les épaules du géant.
Un style remarquable qui éclaire d’un jour nouveau les affres d’un siècle de haine et de folie