L'occupation américaine

Au temps de la Guerre froide, la base de Keflavik, en Islande, était pour les américains d'une importance stratégique considérable. Une véritable enclave dans un pays dépourvu d'armée, une "verrue" pour les opposants à cette présence encombrante, source d'animosité et de trafics en tout genre. Le thème de cette occupation américaine est du pain bénit pour Arnaldur Indridason qui a décidé de remonter le temps avec son cher Erlendur, excellent prétexte pour se pencher sur l'histoire récente de l'Islande. Dans Le lagon noir, le saut chronologique est même double puisque le policier s'intéresse également à une affaire de disparition plus ancienne qui lui permet de dresser un portrait de son pays alors très pauvre et contrastant de façon saisissante avec l'opulence américaine. Vous avez dit disparition ? C'est aussi l'occasion pour Indridason de prolonger et d'approfondir l'analyse psychologique d'Erlendur Sveinsson, déjà fasciné par les absences inexpliquées, qu'elles soient accidentelles ou provoquées. Les deux enquêtes se chevauchent et se répondent à des années de distance : leur résolution, comme le plus souvent chez le romancier, n'est pas l'essentiel. C'est le caractère d'Erlendur, sa mélancolie et son obstination, qui est au premier plan dans ce climat brumeux et anxiogène de son île natale. Encore une fois, c'est le mélange de tous ces ingrédients qui donne au livre d'Indridason une couleur blafarde que ses lecteurs apprécient à juste titre.