Un roman sympathique, simple et drôle, plein d'humain(s). Vatanen rencontre un lièvre et c'est le coup de foudre : lassé de son existence à Helsinki, de son travail et de sa femme, il plaque tout pour partir en vadrouille avec son compagnon dans les étendues sauvages de la Finlande.
Écrit il y a presque un demi-siècle, le Lièvre de Vatanen n'a pas vieilli. La modernité est toujours là, elle n'a pas grandi, elle n'a pas mûri, elle est seulement plus lasse d'elle-même. Aujourd'hui, les commerciaux et industriels que Vatanen rencontrent à la fin du récit et qui manquent le tuer lui et son lièvre ne seraient plus vraiment méchants et pas aussi cyniques, du moins en apparence : ils ignoreraient sans doute Vatanen, peut-être même le trouveraient pittoresque et drôle, avec son lièvre et ses vieux skis.
Vatanen est peint comme le personnage subversif par excellence. Il ne l'est pas par idéologie ou par conviction, bien au contraire. Il l'est car il se moque des idéologies, des exigences et des convictions. Quand j'écris "moque", c'est au sens premier du terme, non comme ironie, mais bien au sens où il les ignore, n'en a rien à faire.
Il est vrai que Vatanen est individualiste. Cela peut-être a vieilli : on croyait dans les années 70 que la révolution pourrait venir des libérations individuelles. On sait à quel point ces libérations ont nourri la modernité, que celle-ci les a ingérées et digérées à la perfection pour transformer nos sociétés en cultures par excellence de l'individualisme.
Malgré tout, la morale d'Arto Paasilinna (bien qu'il réfuterait sans doute ce terme) tient toujours : il n'y a rien de mieux à faire que de vivre sa vie selon ses goûts. Quant au monde, à la société, aux apparences, il vaut mieux en rire qu'en pleurer.