Je ne connaissais pas du tout Antanas Skema, grand auteur lituanien, un rien dandy, teinté d'influences allant de Kafka à Cocteau. Le Linceul blanc suit la vie d'Antanas Garsva, sorte d'avatar de l'écrivain lituanien, qui, cherche le sens de sa vie, déraciné, à New York. Neurasthénique ou schizophrène, sa pensée est décousue. Il y a d'ailleurs différent degrés de narration (troisième personne > notes du journal d'Antanas Garsva > commentaire de Garsva sur ces notes). Le style est aussi éclaté que l'âme d'un pauvre lituanien perdu dans une ville où il ne peut plus être autre chose qu'un liftier, et est sans doute une belle image de la condition de vie migrante. Toutefois, le choix d'une triple narration et d'un récit volontairement décousu et éclaté, tend à perdre le lecteur qui peine à trouver le fil ou parfois l'intérêt de l'une ou l'autre digression. Néanmoins, le Linceul blanc propose par moment une réelle réflexion sur le sens de la vie, la maladie (la sienne, celle des proches), l'acte créateur dans tous les sens du terme, avec une description sincère et parfois puissante de l'angoisse existentielle qui peut tous nous saisir, face à l'absence de raison structurante à nos vies qui doivent parfois leur existence à d'autres âmes déstructurées.