Frag[île]ment
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Le site est de retour en ligne. Cependant, nous effectuons encore des tests et il est possible que le site soit instable durant les prochaines heures. 🙏
Le voilà, le titan littéraire, le chef d'oeuvre terrible à la note insoutenable sur ce site.
Comme toujours quand je referme ce genre de bouquin, me revient cette pensée de Pascal :
Misère de l'homme sans Dieu.
Le parallèle avec Pascal est d'ailleurs heureux puisque le Livre de l'intranquillité est un recueil de fragments qui devait servir à un ouvrage mais qui n'a jamais été mis en ordre de publication par son auteur.
La comparaison s'arrête cependant là. Si Pascal révèle une richesse, une humanité magnifique et le tourment des grands esprits, Pessoa/Soares semble plutôt livrer une essence de petit-bourgeois, substrat pur à 99% obtenu par distillation intime lente et systématique.
Pessoa expose une sorte de photographie de ses humeurs intimes en bâtissant un personnage et une sensibilité à partir d'émotions qu'il ressent réellement. Le résultat est une fiction littéraire qui n'est que pur affect et ne se livre que par un complet renoncement. Ce livre est l'analyse, tantôt psychologique, tantôt poétique de ce renoncement, des ses implications et sa traduction.
Au bout de cette mer de la solitude, on trouve le désintérêt irrémédiable pour autrui, une impossibilité de trouver le repos et la tranquillité. On voit bien qu'on a dépassé dialectiquement le petit-bourgeois. C'est à une quête vers l'ataraxie, une délivrance qui n'est pas celle de la mort que nous invite Soares, non sans ennui, non sans répétitions car les fragments ont été ordonné par une main fébrile. Par son anti-ascèse, il nous fait apercevoir un état d'hypersensibilité qui le rend inapte à la vie sociale conventionnelle, mais qui lui fait éprouver des sensations courantes, celles de la brise à la fenêtre, du soleil sur les toits de Lisbonne ou des couleurs de la campagne environnante avec une intensité indicible. Comment, dès lors, la rendre en mots ?
Ce projet est étonnant. Est-ce un avertissement à tout apprenti écrivain de ce par quoi il faut passer pour devenir un authentique créateur ? Ou est-ce une invitation à adopter ce rapport au monde, à l'heure où l'interposition d'un écran entre le monde et soi rend cette sublimation plus facile que jamais ?
Pour ma part, c'est la poésie contenue dans ces pages qui m'a touchée. Le manuel de retrait du monde est bien moins attirant : sur cette matière, c'est Pascal qui emporte mon adhésion. En somme, un joli recueil poétique mais de grâce, n'en faites pas votre livre de chevet. Soyez une personne d'action ou un grand écrivain.
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le 18 juin 2017
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