On m'avait conseillé de lire ce livre et en principe il avait tout pour me plaire: les errances d'un homme cultivé, amoureux de l'Art mais solitaire, blasé par la médiocrité de la vie et des relations humaines, et se voyant comme un animal sauvage (ici un loup), inadapté à la société.
La critique du conformisme et de la tiédeur bourgeoise, de la propagande nationaliste martelée avec fracas dans tous les cerveaux de l'époque (Allemagne de l'entre-deux guerres), de cet engouement béat du peuple pour ce narratif guerrier qui les entraînera dans le désastre qu'on connait tous sont bien présentes à travers les yeux de Harry Haller. Harry, homme de lettres qui auparavant s'était publiquement exprimé contre cette folie et s'était fait "cancel" (haha clin d'oeil) par tous les réactionnaires de l'époque, ce qui l'avait conduit (en plus d'un divorce un peu compliqué) à vivre en marginal.
Adepte du pessimisme et de l'absurde, je pense que ce qui a bloqué pour moi est le côté fantastique/métaphorique du récit. Je l'ai peut être lu trop vite mais je n'arrive pas à comprendre ce qu'est censé représenter Pablo, le musicien-propriétaire du théâtre. Dieu? La Vie? Son psychiatre?
Pour Hermine, j'imagine qu'il s'agit d'un alter-ego féminin ou de la part féminine de sa personnalité, mais pourquoi a-t-elle un désir de mort? Est-ce parce que Harry lui même à un désir de mort et donc toutes ses "personnalités" suivent ce même chemin? Et pourquoi a-t-elle envie de se faire tuer par un homme amoureux d'elle et pas un random, ou le faire elle-même? Oui, je sais que le livre insiste sur le fait qu'elle n'existe certainement que dans la tête de Harry, mais le pourquoi demeure!
Hermine et une autre jeune femme vont donc apprendre à notre protagoniste à apprécier "les petites choses" et le plaisir charnel par la musique populaire (ici le Jazz), les soirées dansantes et la baise (en opposition au génie froid des grands philosophe et la musique "classique" pareille à l'éther céleste, adulée par Harry). Apparemment on ne peut pas apprécier à la fois la culture classique et les plans à trois... Mais c'est peut être parce que Harry est un asocial un peu mal dans sa peau et pas à cause de son origine bourgeoise, donc je m'emballe.
Le récit qui flirtait plus ou moins avec cette touche fantastique sombre totalement dans la folie (et son héros avec) à la fin du livre, ou on découvre enfin les coulisses du fameux Théâtre réservé-aux-insensés. Haller peut laisser libre court à ses pulsions les plus destructrices en pulvérisant des voitures avec ses occupants, résout tous ses problèmes avec les femmes en les possédant toutes, tue sa bien-aimée et rencontre Mozart, qui nous livre la morale de cette histoire: "ça vaut la peine de vivre malgré tout". Wow.
Au final Le loup des steppes est une oeuvre assez facile à lire mais un peu brouillonne, ou j'ai eu du mal à m'y retrouver. Peut être que cela illustre bien la folie un peu délirante dont souffre le protagoniste, mais le côté émotion/empathie avec les personnages était absent pour ma part.