Harry Haller est un homme brillant et cultivé. Un peu trop sans doute. Sa vie intellectuelle l'a amené à se détacher de la société et se retrancher en lui-même. Toute relation humaine est maintenant regardée avec distance et condescendance. Haller méprise la bourgeoisie mais y reste attaché car il en est un des fruits, mais se sent déchiré entre une part humaine, sociale, et une autre, celle d'un loup.


Ce qu'explique notre anti-héros, c'est que la vie est plus difficile pour ceux qui sont à la frontière de deux mondes ou deux époques, comparant sa condition avec celle du paysan du moyen-âge, qui lui vivait pleinement selon son époque et n'avait donc pas de tels états d'âme.


On a pu remarquer que les initiales du protagoniste, outre qu'elles soient les mêmes que celui de l'auteur, ont ceci de particulier qu'elles sont les mêmes. D'une certaine manière, elles reflètent la dualité de sa personnalité, chacune se retrouvant en miroir dans l'autre.


Malgré le fait qu'Hesse semble utiliser des procédés assez grossiers (on ne s'attendrait pas forcément à ce que le loup des Steppes soit ouvertement évoqué dès le début, par exemple), beaucoup de choses justes et de bonnes questions sont posées, sur la tyrannie de la majorité et sur la domination de la bourgeoisie. Hesse définit précisément la bourgeoisie en ce qu'elle se tient à égale distance de modes de vie extrêmes. D'où le fait qu'il ne s'y retrouve pas.


Le loup des steppes est souvent présenté comme un roman existentialiste, et de fait, c'est est un. Personnellement j'appréhendais plutôt cet aspect : Hesse allait-il nous sortir le très tarte à la crème vis-ta-vie-pleinement ?
Et bien en fait, même si in fine cela peut se résumer ainsi (comme tout existentialisme), il s'en sort plutôt bien. La philosophie de Hesse semble convoquer à la fois Stevenson et Platon, avec sans doute aussi quelque sagesse orientale.
Quel rapport entre ces deux-là me direz-vous? eh bien cela tient sans doute à l'intuition du Dr Jekyll, je cite : "L'homme est toujours double. Aujourd'hui encore, c'est tout ce que je peux dire sur ce sujet. D'autres me relaieront, me dépasseront dans l'exploration de ce domaine. Et j'ose presque affirmer que, plus tard, on ira plus loin. On démontrera que l'homme est finalement une synthèse de nombreux individus, tous différents et indépendants les uns des autres. "
On voit que la dualité n'est peut-être qu'illusion déjà chez Stevenson. Hesse poursuit cette intuition d'un individu composée de somme de personnalités, qui lui reste à découvrir, à lever le voile (d'où Platon), au-delà du loup. Harry Halle est plus "incomplet" que véritablement tiraillé entre deux personnalités, et c'est en rencontrant sa "complémentaire" qu'il s'accomplira.


Le récit de Hesse est bien construit et si on peut trouver que ça manque de corps au début, c'est peut-être volontaire, suivant l'évolution du personnage. Le style quant là lui est relativement sobre et "analytique", il ne cherche pas à se faire remarquer.
Le tout est hélas un peu gâché par une fin peu convaincante à mon goût. C'est une espèce de fatras lynchien (je dis ça, mais j'ai rien contre Lynch et je n'ai pas revu ses films) où notre Harry est emmené dans un "théâtre magique" où on tente de... quoi? le débarrasser de ses illusions, l'ouvrir à la vie? Toujours est-il que tout ne m'a pas paru indispensable dans cette séquence loin de là. La toute fin est plus claire : cette expérience semble lui avoir appris l'échec, tout en le remotivant.


Malgré tout, Le Loup des Steppes est un roman intéressant à lire, surtout pour les idées et la philosophie de Hesse.

Silentium
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le 28 mars 2015

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Florent

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