L’autre est toujours incompréhensible. Dès lors, réécrire, romancer sa propre vie paraît être l’unique manière de donner un caractère universel, lumineux, à son expérience. Avec Le Lys dans la vallée, Honoré de Balzac signe certainement son roman le plus personnel, tant les ponts avec sa propre vie sont nombreux. L’histoire est celle de Félix de Vandenesse, qu’il raconte à celle qu’il aime sous forme de lettre. Enfant né sans l’amour de sa mère, rongé par ce manque affectif. Une enfance brisée qui influencera tout le caractère et la vie du jeune homme. Lorsqu’il rencontre Madame de Mortsauf à Tours, il en tombe immédiatement amoureux et la suit en catimini jusqu’en Touraine.
Le roman, sorti en librairie en deux volumes le 10 juin 1836, se compose de trois parties, « Les deux enfances », « Les premières amours » et « Les deux femmes » qui constituent chacune une évolution déterminante dans le caractère de Félix. L’édition Folio est agrémentée de la postface d’Anne-Marie Meininger, qui donne sur le roman une lecture historique centrée sur la vie de notre Honoré national. Et les points communs sont nombreux. Indéniables.
D’une écriture savamment travaillée, ce court roman plonge dans les tréfonds de la psychologie humaine d’une manière incroyable. De cette profonde auto-analyse jusqu’à l’incompréhension finale de l’autre, Pour Anne-Marie Meininger, cette œuvre est, de toutes celles de Balzac, celle « qu’il faut bien comprendre » tant elle est en lien direct avec la vie-même de son auteur.
Dans cette autobiographie, Félix ne s’épargne pas : tantôt ridicule, tantôt magnifique, toujours profondément égoïste mais jamais complètement seul une fois l’âme-sœur trouvée, le lecteur assiste à une analyse de l’humain dans toute son étendue. La palette de personnages introduit le lecteur contemporain à ces mœurs du XIXe siècle, si variés et complexes. C’est l’individu, c’est l’histoire, c’est la beauté du sentiment, l’horreur de la vie. C’est Honoré.
(SPOILER ALERT : Et quand même, je ne puis m’empêcher de l’écrire, cette réponse finale de la comtesse de Manerville au conte d’une vie, d’un esprit, bref, à une lettre de trois-cent pages, est un pur génie de violence et d’accusations qui, en quelques pages, fait revivre le roman sous un tout autre point de vue. Si c’est la défaite de l’épanchement d’un esprit, on passe tout de même des larmes au rire, sans transition.)