Contrairement aux autres romans de Balzac lus quasiment tous à l'adolescence jusque pendant mes études, je n'ai lu "Le lys dans la vallée" qu'à l'âge adulte, quand j'ai commencé à renouveler toute ma collection qui était alors en livre de poche. Ce fut d'ailleurs l'occasion de découvrir d'autres romans que je n'avais pas encore lus dont celui-ci. Je ne me souviens plus vraiment des raisons d'avoir snobé à l'époque "le lys dans la vallée" sinon d'une mauvaise raison qui me revient, pas très avouable…
Roman étrange avec de fortes connotations autobiographiques puisque Blanche de Morsauf emprunterait beaucoup à Laure de Berny dont il tombe follement amoureux alors qu'il donne des cours à ses enfants. Elle a 45 ans alors que lui n'a que 22 ou 23 ans. Cependant, de ce que j'ai compris, Balzac a laissé la personnalité de Blanche bien plus idéalisée que le modèle peut-être pour ne pas se vautrer dans des détails intimes.
C'est un roman étrange par sa construction : c'est une (longue) lettre de Félix de Vandenesse, une réponse à la demande expresse de sa maîtresse du moment Natalie de Mannerville qui lui demande de s'expliquer sur ses tourments. Le roman est donc écrit à la première personne et évoque sa jeunesse et sa rencontre avec Blanche de Morsauf.
Spoiler : Et à la fin, de façon qui ne me surprend guère, Natalie de Mannerville refuse de partager les fantômes qui hantent encore Felix de Vandenesse… Il n'y a rien à attendre de bon à dévoiler son jardin secret.
Le roman commence par la description de son enfance dans une famille où il n'est que l'enfant non désiré et encombrant. Là, si on avait un doute, on reconnait bien le style de Balzac dans la description, très forte, de cette famille et du comportement des parents, du rejet de l'enfant au profit des frères et sœurs. En quelques phrases bien senties, on sent le ressentiment ou la frustration qui seront les clés du roman.
Jusqu'à ce baiser, incongru, sur l'épaule nue de Blanche de Morsauf, lors d'une réception, inoubliable (pour le lecteur), inoublié (pour les deux héros du roman), et qui ouvre le roman sur un autre monde, sur la vallée où fleurit un lys. J'aime imaginer comment tout cela pourrait être mis en scène au cinéma.
J'aime beaucoup le personnage de Blanche, femme mal mariée à un nobliau revenu d'immigration pendant la Révolution, aigri, dur et hypocondriaque, mère de deux enfants maladifs. Femme de devoir vertueuse qui aura tant fait pour les autres sans "pouvoir" ou "vouloir" attendre des autres.
Blanche est un personnage très complexe (c'est une femme … au sens le plus respectueux possible) qui se réfugie derrière ses enfants et son devoir d'épouse mais qui n'en est pas moins femme. Le roman pourrait, de ce point de vue, paraître assez austère et calme (immobile) sans le savoir-faire de Balzac qui met son héros, Félix, non dans la position de celui qui vit une aventure et la raconte mais dans la position de celui qui, connaissant la fin, a digéré l'histoire et en intègre peu à peu les éléments.
Il en est ainsi de la jalousie mortelle qu'éprouve Blanche lorsqu'elle a connaissance de la liaison de Felix avec Arabelle Dudley qu'il découvrira trop tard. De même, la comparaison des comportements des deux femmes résulte d'une analyse très a posteriori.
Ah, oui ! la scène de la rencontre d'Arabelle et de Blanche : si ça n'est pas du Balzac pur jus, à moi la peur ! Quand on la relit, cette scène, et qu'on connait le roman, on en découvre des indices de ce que Blanche pense vraiment au fond d'elle-même !
Au final, "le lys dans la vallée" est un livre qui reste captivant dans l'analyse des deux personnages Blanche et Félix, sur la relation triangulaire avec le mari, sur les regrets qui hanteront longtemps Félix et finalement sur l'éducation sentimentale de ce dernier.
Même si, pour moi, ce roman reste un peu en retrait de bien d'autres romans de Balzac.
Ce n'est certainement pas le roman à lire en priorité. Après avoir lu d'autres romans de l'auteur, on prendra d'ailleurs plaisir à retrouver dans "le lys de la vallée", les noms de personnages récurrents de la Comédie Humaine dont on ne comprendrait pas l'intérêt en attaquant l'œuvre de Balzac par ce roman.