Dialogue écrit vers 389, Le Maître est connu dans l'histoire de la philosophie par l'importance de l'interlocuteur d'Augustin : Adéodat, son propre fils. Un ouvrage important puisqu'Adéodat, âgé de 16 ans, est décédé à cette période là.
Dans la suite intellectuelle de l'Ordre, écrit quelques années plus tôt, le Maître propose une réflexion sur le sens des mots, dans la logique d'une compréhension de la grammaire. Augustin n'épargne pas son jeune fils, le titillant sur bien des détails pour faire sortir de lui le génie philosophique précoce dont son enfant était doté.
On regrettera cependant deux choses. Premièrement la forme, Augustin est dans une période où il appauvrit ses dialogues de détails de vie. Quelque part, cela est un avantage, offrant un texte plus centré sur la philosophie, mais de l'autre côté, on perd un des points forts du dialogue. Dans une volonté de ne pas sacraliser la lettre, Augustin tente des œuvres plus austères. Dommage, donc, selon moi, que le texte unissant le père et le fils ne possède pas plus de magie et plus de vie.
Je regrette aussi, à titre plus personnel, le sujet d'étude du texte : la nuance entre le signifiant et le signifié qui prend bien du temps et s'amuse beaucoup sur la grammaire. Pour un amoureux des lettres comme Augustin, il y avait un vrai plaisir dans le sujet mais cela cause, pour moi, des passages plus ennuyeux sur le fond.
Le renversement argumentatif de la fin, passant à la thèse contraire de celle qui est soutenue depuis le début permet, cependant, un vrai retournement philosophique tout en amenant un coup de fouet réel dans la vie du texte.
La critique derrière est bien sûr celle de la lettre, celle du langage et des mots. Là encore, l'héritage de l'Ordre est palpable et la sobriété du texte apparaît comme une mise en pratique du Maître même. En effet, le langage, trompeur et trompé se révèle être la plus mauvaise source de connaissance, puisqu'elle n'en donne pas de vraie, mais simplement ce que Spinoza appellera plus tard une connaissance par ouï-dire. Il y a donc toute une réflexion finale, non plus sur la grammaire, mais sur la connaissance et l'enseignement qui se dévoile secrètement pour le plus grand plaisir du lecteur et se révèle des plus forts.
Dommage, cependant, que ce passage ne dure pas plus et se trouve être minoritaire dans l'ensemble du texte.
Une œuvre agréable mais pas la plus incroyable du grand Augustin.