Ce n'est pas la première fois que ça m'arrive avec Philip. K. Dick, ce ne sera sans doute pas la dernière : j'ai été très dérangée par son style très froid - est-ce un problème de traduction ? je n'en ai pas l’impression - qui donne un ton tellement factuel et haché au récit que c'en est franchement bizarre. Là aussi ce n'est ni la première ni la dernière fois : j'ai ressenti un malaise pressant, dû à l'écriture de K.Dick, tout au long de ma lecture. Les personnages ne m'en sont apparus que plus inaccessibles, presque inhumains. Est-ce un hasard de la part de celui qui écrira Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? Là-dessus, ressort donc un personnage, M. Tagomi, pourtant pas d’emblée spécialement sympathique, mais finalement celui qui possède la personnalité la plus humaine, et qui sera le seul capable de traverser... de traverser quoi, exactement ? Les mondes, les apparences, la frontière entre la fiction et la réalité, la réalité telle un voile qui nous aveugle ? Quelque chose de ce style, j'imagine, bien que je sois complètement certaine de n'avoir pas bien saisi le but de l'écrivain et d'être carrément passée à côté de quelque chose. Que se disent Juliana, celle qui perce le mystère du Poids de la sauterelle, livre dans le livre, et son auteur, à la toute fin du roman ? Que se passe-t-il exactement à ce moment-là ? Flou le plus total pour moi. Là aussi, impression de déjà-vu. Mmmmh, serais-je donc coincée dans une matrice ???
K. Dick a, à plusieurs reprises, utilisé une matière philosophique et/ou spirituelle qu'il a intégrée à ses récits. Or, je ne possède pas le dixième (et je suis gentille avec moi-même) de son érudition en la matière, ce qui me pousse par moments à me demander si je suis capable de saisir le sens de ses écrits avec de telles lacunes. Ici, la philosophie orientale est prégnante, à travers notamment un livre dans le livre (encore un!), des oracles répétés, des références au Yin et au Yang. Mais, autre déficience de ma part, je ne possède pas non plus l'expérience de K.Dick en matière d'usage de drogues diverses et variées (le fait que ce soit dit ici haut et fort évitera peut-être que la NSA me fiche comme danger potentiel pour la société). Et bon, lire Philip K. Dick, je me demande si ça ne devrait pas exiger d'être sous l'influence de stupéfiants (et donc là, je perds tous les points que j'avais gagnés et je deviens hautement suspecte pour avoir incité publiquement la population à se droguer, et par écrit, en plus)...
Voilà donc un livre dont je me suis dit aussitôt après l'avoir refermé : "Bon, j'ai plus qu'à le relire, maintenant". Dérangeant, déstabilisant, malaisé, provoquant nausée et questionnement constants, Le Maître du Haut Château n'est pas forcément un roman très séduisant, mais c'est aussi là, je pense, - et j'écris cette critique des mois après l'avoir lu, donc j'ai un peu pris de recul depuis - sa force. Chef-d’œuvre ou pas, telle n’est pas la question pour moi : j'y reviendrai un jour prochain.