Voici un roman de Roger Vercel trouvé récemment chez un bouquiniste de Rouen. Le livre fut édité en 1933 et je crains qu'il n'ait pas rencontré un grand succès car je n'ai pas trouvé grand-chose sur le roman.
1933, c'est le début de carrière de Roger Vercel. C'est l'année avant la publication de "Capitaine Conan" qui lui, a rencontré beaucoup plus de succès. Ce roman se situe avant toute sa carrière de romancier "de la mer" qui fera sa renommée et qui démarrera avec "Remorques" en 1936.
Mais, pour moi, c'était quand même une trouvaille tant c'est difficile de trouver des romans de Vercel (autres que les romans maritimes encore réédités aujourd'hui) …
Le début de la lecture a fait apparaître l'histoire d'un journaliste surdoué, Fabien, dans un petit canard breton "l'écho de l'ouest". Un peu déçu, je me suis dit que l'histoire d'un journaleux même et surtout doué, ça n'allait pas être ma tasse de thé…
Puis à la page 60 (sur 300), voilà-t-y pas qu'il se fait virer du journal. Au motif qu'il a un tel talent de persuasion et de faire "prendre des vessies pour des lanternes" qu'il indispose tout le monde du lecteur jusqu'au directeur du journal. Alors là, le livre prend brusquement un nouveau relief.
Fabien se recycle alors dans le spectacle, d'abord dans un cirque un peu miteux puis, le succès et la gloire aidant, en one man show comme illusionniste ou hypnotiseur de foules en les faisant rêver, imaginer un autre monde, générer des instants de volupté. Mais il se méprise profondément devant la vacuité de sa vie, devant cet ersatz de bonheur factice qu'il fait payer aux gens jusqu'au jour où il rencontre une jeune femme, Geneviève, qui "ne marche pas", qui est imperméable à l'illusion. Le mariage d'amour entre Geneviève et Fabien est censé être bâti sur la vraie vie, sur une relation saine et non sur une admiration idolâtre (comme le sont ses innombrables spectateurs et spectatrices). Mais jusqu'à quand Geneviève pourra rester insensible au pouvoir de Fabien et que se passera-t-il alors ?
Roger Vercel analyse subtilement la lente évolution des deux personnages, leurs états d'âme et en définitive la difficulté de maintenir un mur parfaitement étanche entre le monde factice de l'illusion et la vie de couple.
Bon, au final, je ne vais pas cacher que je préfère quand même nettement les romans maritimes de Roger Vercel. Mais ce roman, qui est écrit dans un langage très fluide et agréable à lire, est tout-à-fait intéressant sur un sujet pas si banal.
On retrouve aussi sous sa plume, son attrait pour la mer qu'il saura si bien développer plus tard en s'intéressant à ceux qui en vivent.