Je ne savais pas trop dans quel genre de livre j’allais atterrir, je savais juste que le titre me plaisait ! Parfois, il n’en faut pas plus, pour succomber. Et puis cette couverture avec ce portrait, ces jeux d’ombres et de lumières… On croit deviner, mais on est loin du compte…
Tout débute avec le mal-être de Paul, mal dans sa vie, mal dans sa peau, mal dans ce corps qu’il considère comme une trahison à sa beauté intérieure et à la bonté dont il se croit doté. Une certaine maladresse émane de lui, le rendant touchant… La vie ne lui a pas fait de cadeaux, il est moche ! Il n’a aucune confiance en lui, il ne tire pas satisfaction de son boulot. En bref, il n’a rien pour plaire… Il a été un bouc émissaire, toute son enfance et la blessure est profonde, très profonde, tellement profonde qu’elle est caverneuse et l’habite, lui parle, le rabroue, par des petites phrases en italique, pour peu à peu, créer un chiisme entre sa conscience et la réalité..
Au début, je pensais passer un moment de lecture opposant laideur et beauté avec tout ce que cela peut engendrer comme déconfiture… Un peu comme la vie… Le moche n’a pas sa place dans nos sociétés… Faites place à la beauté physique qui supplante largement celle du cœur.
Pourtant…
Mais Paul va se révéler, Paul va éclore tel une fleur… Mais une fleur empoisonnée. Paul bascule dans cette espèce de revanche qu’on certaines personnes meurtries, il écrase, malaxe, jubile, veut faire mal, comme il a eu mal.
Sa rencontre avec sa voisine, dont il tombe éperdument amoureux, du moins le croit-il, et sa déconvenue, vont révéler sa noirceur, ses turpitudes, ses doutes. Mais les doutes, il les balaie, il n’a pas le temps de douter.
Il est déjà sur une proie…Tel un prédateur, il fonce sur Angélique, sa nouvelle collègue. La nana qui n’a pas confiance en elle, qui déteste ses rondeurs…
L’auteure dont c’est le premier roman, avec cette plume magique dont peu sont dotées, distille les ingrédients avec parcimonie, pour démontrer que Paul est un bon gars, mais un gars qui n’a pas de chance… Avec une plume d’une rare maîtrise, des phrases courtes, elle rend Paul sympathique. On en viendrait à le plaindre. Il devient attachant.
Le lecteur devient la proie, au même titre que Paul aura la sienne.
Et c’est là une grande qualité dans la construction du récit. Les choses ne sont ni toutes noires, ni toutes blanches. Toute la palette des gris est présente. L’angle pris s’appuie sur une construction psychologique fine de la violence et de ce qu’elle peut engendrer. On a très souvent de l’empathie pour la victime, mais le bourreau, est détesté, honni, on aimerait le trucider… Pourtant, même si le thème de la violence conjugale est central, l’auteure met aussi l’accent sur une partie de son origine. Alors, oui, certains peuvent trouver cela stéréotypé, mais si l’on connaît un peu le sujet, c’est la vérité. Un enfant maltraité, sera un adulte maltraitant. Oui, certaines personnes ne basculent pas, mais il y a autant de degrés de résilience qu’il y a de personnes. Tout est une question d’acquis et d’inné et nous ne sommes pas égaux.
À travers la parole de l’homme violent, la littérature blanche, n’a jamais été aussi noire, avec ce mécanisme de la violence décortiqué, pour comprendre, mais sans jamais l’excuser.
https://julitlesmots.com/2021/01/29/le-mal-epris-de-benedicte-soymier/