Se noyer dans un idéal.

Cette oeuvre raconte l'histoire d'une mère et de sa fille, aveuglées par leur ambitions d'un ailleurs: l'objectif est de vivre sur les côtes, à tout prix. À tout prix, bien qu'elles soient pauvres. Une condition figée au fil de la pièce. Elles ont une maison, avec une chambre d'hôte qui va se transformer en morgue. En morgue puisque aigris par la pauvreté, noyées par leurs ambitions au-delà de leurs moyens pratiques, elles vont sombrer dans la folie du meurtre. Tuer les clients pour les dépouiller , à tour de rôle, pour amasser le pactole et vivre le rêve. Oui, mais voilà, le geste de Camus va être de choisir comme client final quelqu'un qui serait le fils de la mère hôte vieillissantes, si vieillissante qu'elle ne le reconnaîtra jamais. Le plan est exécuté avec la même froideur que les précédents. Ainsi ira la tragédie, lorsque la mère se rendra compte de son acte, le remords de trop au seuil de la vie promise par ces vols et meurtres en séries, au seuil d'un océan infini, elle ira se noyer dans le fleuve pour mettre fin à ses jours. Il ne restera de cette histoire qu'une veuve (puisque le fils avait une femme) et une orpheline.

Le geste de Camus a été de montrer combien les idéaux peuvent aveugler l'âme humaine, combien des rêves inaccessibles ont pu ronger une famille jusqu'à la folie la plus cruelle. Mais aussi, que malgré ses folies et ces rêves aveugles, la raison retrouve son siège et l'auteur de folie fini par s'autodétruire. Le mal n'apporte que le mal, la tragédie triomphe du mal.