Le Monde inverti par Nanash
De Christopher Priest j'ai lu "La Fontaine pétrifiante" et "La Séparation" et malgré le sentiment de virtuosité palpable, j'étais d'avis plus ou moins mitigé. Alors il était temps de se lancer dans ce qui est considéré comme son meilleur roman "Le Monde inverti".
[difficile de parler de l'histoire sans spoiler un minimum, rassurez-vous je ne dévoile rien de trop crucial]
La cité "Terre" doit se mouvoir en direction du Nord, les guildes font office de gouvernement, de services techniques, elles assurent la sécurité et les échanges avec l'extérieur. Mais pourquoi doit-elle se mouvoir ? Quels sont les risques de s'arrêter ? C'est là tout le coeur du roman, et nous allons la vivre en suivant le parcours d'un apprenti, Helward Mann. Le roman commence par une simple indication de son âge "J'avais atteint l'âge de 1000 Km". C'est du Priest, il faut s'accrocher !
Autant le dire j'ai été directement happé par le système de guilde. Les rites initiatiques, les différentes classes, le secret qui est demandé à chacun, toutes ces caractéristiques de société secrètes sont diablement entraînantes. Le monde se découvre, et dans les faits, il n'est pas si étranger au nôtre. Les autochtones parlent espagnol ou anglais, on échange des denrées connues, médicaments, nourriture synthétisée.
En continuant la lecture, on s'aperçoit enfin de ce qui cloche. Puisqu'il serait fort dommage de dévoiler la vraie nature du monde, je n'en donnerai qu'un aperçu. Dans le livre les aspirants aux guildes doivent faire l'expérience du dehors afin de comprendre le monde puisque rien ne leur sera dit. Il en est de même pour le lecteur, mieux vaut découvrir l'univers en compagnie du héros. Un indice quand même pour vous mettre en appétit: y=1/x, distorsion du temps et de l'espace.
Pour ne pas le cacher, j'ai été très déçu par la fin du livre, l'explication finale sous la forme (pas exactement celle-ci tout de même) de "en fait tout cela n'était qu'un rêve" fait un peu chiche tant la construction du monde et des principes qui le régissent sont fouillés et inventifs. Particulièrement le rapport entre le héros et le reste de la population qui évolue au gré des expériences de Helward (on peut faire un léger parallèle avec "La Guerre éternelle" de ce point de vue).
Je suis assez sensible aux livres qui adoptent des formes particulières en fonction de leur contenu. Comme dit précédemment, la distorsion temporelle et spatiale est le coeur de l'intrigue et cela influe également sur l'organisation des parties du livre. Découpé en 5 parties, leur "distance" respective (donc leur longueur) se réduit plus on approche de la conclusion. Cet aspect est également légèrement visible pour le style qui devient plus "pressé".
Si on fait le compte du score, l'histoire est géniale, la forme du roman également, alors une excellente note malgré une fin bâclée, 9/10.
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