Figure de proue de la culture geek, Lovecraft ne m'avait pas laissé un souvenir impérissable lors de ma première lecture. J'avais 15 ans, ça m'avait vaguement ennuyé, et en plus je ne savais pas que ça faisait bien d'y faire référence sur internet puisque je n'avais pas internet.

Décidé à réviser mon jugement à l'aune des goûts bien plus sûrs que j'ai développé depuis (pourquoi tu ris ?), je me suis donc relancé dans un second recueil de nouvelles, qui regroupe l'Appel de Cthulhu, Par delà le mur du sommeil, La Tourbière (la girafe, quoi) hantée, La Peur qui Rôde, la Couleur Tombée du Ciel et Celui qui Chuchotait dans les Ténèbres. Cette liste n'est pas très utile, mais c'est pour les puristes.

Premier constat : le style est un peu lourdingue, avec son champ lexical de l'épouvante semé n'importe comment., et on commence par se braquer façon "non mais c'est bon,tu vas pas me faire flipper parce que tu rajoutes "infâme", "horrible" et "diabolique" toutes les deux lignes".

Deuxième constat : C'est un peu chiant en fait, ces histoires de mecs qui voient des esprits venus des gôrges prôfôndes des ênfêêrs en forme de calamar ou d'halogènes.

Heureusement, perturbé par l'idée de trouver nul un truc que tant de gens louent, j'ai insisté. Bien m'en a pris : plus les nouvelles passent, plus l'univers, l'ambiance et l'angoisse s'installent. Le poids du style s'efface devant les personnages et leurs récits obsédés, et surtout, l'univers monstrueux prend corps au fur et à mesure qu'il se découvre.

(pour illustrer mon peu commun sens de la métaphore, c'est un peu comme un aileron de requin : ça ne fait peur que quand tu sais ce qu'il y a en dessous)
(et si tu trouves que c'est pas vrai, dis-moi si tu flippes d'un aileron de lapin)

La mythologie Lovecraftienne ne se donne pas au premier venu, et surtout pas le premier soir. Elle s'installe, se nourrit d'elle-même, et finit par laisser deviner une cohérence et une profondeur monstrueuses, un univers caché d'autant plus passionnant qu'il n'est jamais qu'esquissé, frôlé. Là où un Tolkien en tartine des pages et des pages pour faire vivre son (foisonant) univers, Lovecraft se contente de l'éclairer furtivement, comme une lampe torche blafarde le sol caverneux d'un charnier.

Bref, c'est coule.

Remarque : il est fort probable qu'une lecture en VO fasse gagner une ou deux étoiles à ce bouquin.
Troll
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le 13 sept. 2010

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