En mars 2020, Emma Donoghue dépose la version définitive de son roman, Le pavillon des combattantes, auprès de son éditeur. Elle ne se doute pas que ce livre, construit autour de la vie d'une infirmière irlandaise, Julia, pendant la pandémie de grippe espagnole, va coïncider avec les premiers ravages d'un virus venu de Chine. Le livre suit pendant trois jours, en novembre 1918, le quotidien de Julia dans un service réservé aux femmes enceintes touchées par la maladie. Cette femme de bientôt 30 ans, célibataire, vit seule avec son frère revenu traumatisé de la guerre. La romancière nous plonge en immersion, sans anesthésie, dans un univers clos où la mort rôde et où les accouchements se font avec douleur. Certaines scènes sont à la limite du supportable, peut-être encore plus d'ailleurs pour les lecteurs masculins, ces pauvres êtres sensibles (sic) généralement peu à l'aise avec la parturition. Dans Le pavillon des combattantes, le sentiment est que le pire est susceptible d'arriver à tout moment, comme dans un film-catastrophe. L'action du livre se déroule presque constamment dans cette maternité de fortune, il n'y a rien à redire là-dessus, mais c'est peut-être trop car quand Emma Donoghue s'en éloigne un peu, en décrivant l'air du temps, vicié, du Dublin de l'époque, l'ouvrage gagne en profondeur et en intérêt ce qu'il perd en intensité médicale. Julia est un personnage remarquable mais celui de Bridie, l'orpheline bénévole qui l'assiste, de même que celui du Dr Kathleen Lynn, membre du Sinn Féin auraient peut-être mérité davantage d'exposition. Quoi qu'il en soit, après notamment Room et Frog Music, l'écrivaine irlandaise montre que son talent est polymorphe. Quant à savoir à quel roman s'attaquer après Le pavillon des combattantes, disons qu'une comédie légère est à prescrire pour faire descendre la température.