Dans la luxuriante vallée de Bool Bool, au coeur des Montagnes Bleues, vivait autrefois une communauté de colons australiens. Ce roman est l'histoire des familles Mazere, Poole, Lobosseer et de leurs voisins du Pays d'en haut. Au milieu du XIXeme siècle, l'Australie est encore majoritairement rurale. Immergés dans des paysages paradisiaques, les hommes n'en doivent pas moins travailler sans relâche pour dompter les forces de la nature. Solidarité et entraide prennent tout leur sens dans ces communautés isolées. Mais Bool Bool c'est aussi un microcosme, avec une hiérarchie et des passions qui se déploient sur plusieurs générations. Si certains personnages cherchent la reconnaissance sociale, d'autres succombent à la fièvre de l'or, tandis que les plus jeunes nouent et dénouent des amours au rythme des bals villageois. Qui la belle Emily Mazere choisira-t-elle parmi ses nombreux prétendants? Son frère Philippe fera-t-il fortune comme prospecteur ou sombrera-t-il dans l'alcoolisme? Après qui soupire le coeur du séduisant Bert Poole? Est-il un héros ou un vulgaire bandit?
Ce roman, publié pour la première fois en 1928, décrit la vie dans le bush australien vers 1850. Il nous renseigne sur la nature aux antipodes, les convois de bétail, la ruée vers l'or, les Aborigènes, la pénurie d'épouses, mais aussi sur la mentalité des colons, pris entre leur nostalgie pour l'Angleterre et la nécessité de s'adapter à ce no man's land exotique. On y voit la jeune société australienne en formation, une société où les bagnards enrichis se mêlent aux gentlemen déchus de la vieille Europe.
Outre son intérêt documentaire, ce roman possède une dimension affective très forte. Miles Franklin y rend hommage à ses ancêtres, tout particulièrement à sa grand-mère maternelle. C'est pourquoi, elle porte un regard à la fois admiratif et attendri sur ces Australiens d'autrefois. Entre fêtes, traditions domestiques et travaux agricoles en commun, la vie au domaine des Trois Rivières paraît idyllique. C'était le temps de l'abondance, nous dit Franklin, le temps de la convivialité, une époque héroïque où malgré des conditions rudes l'homme ne manquait de rien. Dans le fond, les colons de Bool Bool éprouvaient les mêmes joies et les mêmes drames que nous, "mais qu'importe aujourd'hui ce qu'éprouvaient ces coeurs devenus poussière, comme le sont leurs jupes de soie flottante et leurs boucles enjôleuses". Nostalgie de l'auteur face à un monde disparu, qui a fait l'Australie actuelle.
En Australie, "Le Pays d'en haut" est considéré comme un classique et Miles Franklin a donné son nom à un célèbre prix littéraire. C'est à mon avis un grand, très grand roman par son authenticité et sa poésie. La fin, des plus inattendues, donne envie de connaître la suite des aventures du Pays d'en Haut. Cette suite existe bel et bien (dans les romans "Ten Creeks Run" et "Back to Bool Bool"), mais elle n'a malheureusement jamais été traduite en français. Etrange!