Le grand public a découvert Umberto Eco avec le Nom de la Rose, sorti en 1980, et résolument original car racontant les aventures d'un moine franciscain et de son disciple, entraîné au milieu d'une série de meurtres dans une abbaye bénédictine, en pleine période de l'Inquisition. En somme un mélange entre roman policier et roman historique pur jus et donc peu accessible (avec sa dose de passages en latins). Aussi j'en viens à me demander combien des millions de personnes qui l'ont acheté l'ont réellement terminé.
Avec Le Pendule de Foucault Eco va encore plus loin, et se met à dos une très grosse majorité de lecteurs.
Il faut dire ce livre est complexe, très érudit, long, profond et regorge de références historiques culturelles, religieuses, politiques et j'en passe tant la liste est longue. Beaucoup n'y voient qu'une manière pour le philosophe italien d'étaler toute sa suffisance, tant il est vrai qu'il n'est guère adepte de la modestie...
Casaubon est un jeune étudiant en histoire, passionné par l'histoire des Templiers, leur dédiant d'ailleurs une thèse. Un jour, par jeu, il se met à inventer, avec deux de ses amis, un gigantesque complot, ourdi par les siècles, et ne traitant rien de moins que de la domination mondiale : c'est le Plan.
Et c'est là la force du roman, puisque ce complot, depuis les Templiers (la base du récit, le livre est d'ailleurs très bien documenté sur ce sujet, décrivant leurs mœurs, leur procès et leur éventuelle survivance jusque dans les moindres détails) jusqu'à l'époque moderne, englobe l'histoire du monde et de l'ésotérisme (de nombreuses sociétés secrètes, comme les rosicruciens ou les francs-maçons), et se l'approprie à sa façon. Nos trois amis en viennent à y croire également, et peu à peu sombreront dans la folie devant de curieuses découvertes qui peuvent changer la face du monde...
Le lecteur en viendrait presque à croire à l'existence de ce complot tant il est crédible et documenté ! Je le répète : les faits abondent, chaque page pullule de références dont on se demande si elles sont véridiques ou totalement inventées ! Mais Eco ne fait que là critiquer la réflexion des conspirationnistes, et démontre qu'il est bien facile de détourner l'Histoire, de la tordre et la remodeler pour la faire aller dans un sens bien précis... Chose que Dan Brown n'a pas réussi à faire avec son Da Vinci Code boiteux mais certes plus accessible et plus sensationnel...
L'autre qualité du roman, ce sont ses personnages, tous très attachants, par leur érudition et la passion pour l'histoire qui animent leur vie, mais aussi par leur simplicité. On suis les problèmes de cœur de Casaubon, ou encore les souvenirs de Jacopo Belbo, qui donne à l'auteur l'occasion de se pencher sur le fascisme, période qu'il a bien connu étant enfant.
J'émettrais cependant quelques réserves sur le milieu du roman, et le voyage de Casaubon en Amérique du Sud, un peu lourdaud, et qui s'éternise inutilement.
Mais définitivement Le Pendule de Foucault est pour moi un grand livre, difficile (les cent premières pages sont encombrées de très longues descriptions), obsédant (quelle fin !) qui peut laisser indifférent, mais qui est véritablement passionnant pour qui aime être curieux. J'ai plus appris avec ce livre qu'avec tous ceux de Bernard Werber réunis.