Voilà un ouvrage qui prend comme décor le jeu d'échecs pour dresser un parallèle entre les régimes franquistes et étasuniens, cela en se focalisant sur l'année 1962 (ou presque). Un cadre formel, donc, très prédéfini et dans lequel l'auteur va placer un certain nombre de choses qui lui tiennent manifestement à cœur. Et ce n'est pas tout, car chaque chapitre correspond à un coup joué lors d'une vraie partie d'échec (qui s'est bien déroulée en 1962) entre un célébrissime joueur étasunien (Bobby Fischer) et un joueur espagnol, bien moins connu du grand public (Arturo Pomar), partie, qui - on s'en doutera - s'est terminée par un résultat nul.
Les 77 chapitres évoquent tour à tour les histoires personnelles de Fischer et de Pomar (dans un ordre chronologique), celles-ci étant entrecoupées de courtes évocations d'autres personnages, tous historiques et ayant tous connu un moment d'actualité en 1962. Autant dire qu'ils ne m'ont pas évoqué, pour la plupart d'entre eux, grand chose. Mais ils ont tous la caractéristiques d'avoir tenu en quelque sorte un rôle de pion dans le grand jeu politique et géopolitique de leurs pays d'appartenance, en l’occurrence, on l'aura compris, les États-Unis et l'Espagne. Qu'ils opposants au régime ou qu'ils en soient un des rouages, d'ailleurs. D'où le titre du bouquin.
Après, Fischer et Pomar finissent par apparaitre eux-mêmes comme de simples pions, manipulés par les autorités de leur propre pays : Fischer parce qu'il a la possibilité de battre le champion russe en pleine guerre froide, Pomar qui - en tant qu'enfant prodige des échecs - fut reçu à plusieurs reprises par Franco avant d'être totalement oublié par le régime. Fischer qui chercha à se rebeller contre sa condition et Pomar qui au contraire l'accepta avec résignation. Ce qui n'empêcha ni l'un ni l'autre de finir sa vie plutôt misérablement.
Voilà donc un bouquin engoncé dans un cadre formel plutôt fermé, mais pas inintéressant pour autant. L'auteur a manifestement travaillé son sujet en effectuant des recherches approfondies, l'ensemble présentant du coup un intérêt historique certain. Après, je n'ai pas poussé le vice à rejouer la partie Fischer-Pomar de 1962 (chaque chapitre est titré par les coups joués lors du tour correspondant), pour essayer de trouver un lien entre la situation sur l'échiquier et le contenu des chapitres. Mais il n'est pas dit qu'il n'en existe pas, tant le travail de l'auteur parait avoir été méticuleux.