Forrest Gump a dit : « la vie, c’est comme une boîte de chocolats, on ne sait jamais sur quoi on va tomber » ; le plagiant, je m’aventure à dire : « un roman de Malzieu, c’est comme une boîte de chocolats de chez Fabrice Gillotte, on sait sur quoi on va tomber ». On sait que ça va être qualitatif et savoureux : qualitatif côté écriture ; savoureux côté lecture. Bref, la prise de risque est limitée.

De Malzieu, je n’avais lu que « La mécanique du cœur » que j’avais jugée féerique et poétique. Avec « Le plus petit baiser jamais recensé », on gagne en gourmandise (surtout qu’il est question de chocolat quasiment d’un bout à l’autre du roman*) et on s’éloigne du pragmatisme un rien plombant qui avait caractérisé le dernier tiers de « La mécanique du cœur » ; plus de légèreté, plus de rythme, il faut dire que le roman est très court, ce qui lui confère véritablement une identité de conte voire de nouvelle.

Certains lecteurs penseront très fort, à tel point que je les entendrai : « mais pourquoi faire la critique d’un roman en se référant à un autre qui l’a précédé ? ». Réponse : tout simplement parce que « Le plus petit baiser jamais recensé » semble vouloir s’assumer comme le cadet de son aîné et le lecteur a bien du mal à ne pas retrouver Jack, le héros de « La mécanique du cœur », sous les traits du narrateur. Ce dernier n’a d'ailleurs pas de nom et se définit uniquement par son métier, inventeur-dépressif, et sa sensibilité, c'est un amoureux chronique. Cet anonymat est-il vraiment un hasard ? Personnellement, je ne le pense pas ; je penche plutôt pour une suite inavouée de la "Mécanique".

Autant l’avouer tout de suite, je n’ai pas adhéré à l’histoire d’amour complexe entre notre inventeur-dépressif et son amoureuse invisible, je n’ai ressenti ni l’intensité de leur rencontre, ni l’ardeur de leur passion, ni la souffrance de leurs blessures respectives. Néanmoins, ce constat de quasi-échec fait, je ne pouvais pas rendre les armes et admettre que je passais volontairement à côté d'une oeuvre de Mathias Malzieu. Inutile donc de lutter davantage pour entrer dans une histoire d’amour qui m’avait claqué sa porte au nez, j’en ai pris mon parti et ai préféré lâcher prise pour ne me concentrer que sur la subtilité d’une plume toujours aussi séduisante et aussi inventive que le héros dont elle décrit les aventures. Une plume tellement fantaisiste qu’elle offre au lecteur un panel complet d’émotions largement dominé par l’humour ! Quelle jolie et originale idée, par exemple, de transformer un perroquet en répondeur téléphonique ! On se demande vraiment où l’auteur est allé chercher cette perle... à moins qu'il n'ait consommé toute la moquette de son « appartelier » ? J'ai très souvent éprouvé la sensation que l'auteur nous invitait à le suivre dans un rêve mouvementé ou dans un délire de fièvre !

En synthèse, je dirais que ce joli poème de quelques pages, fantastique et romantique à souhait, et dont Raymond Queneau n'aurait pas renié la prose, procurera aux aficionados un réel moment « à part », privilégié, telle une heure de repos sur un nuage aussi moelleux que la barbe de Gaspard Neige, le détective-ex-amant de Liz Taylor, qui prête main forte à notre inventeur-dépressif pour le guider dans ses recherches d'un amour invisible. Si j'ai douté que ladite amoureuse puisse être à la fois invisible et irrésistible, je reconnais que le talent de Malzieu est bien visible quant à lui ; la passion qu'il met dans ses mots et sa volonté de bien écrire, palpable à travers tout le récit ciselé comme une enluminure, le rendent tout à fait digne d'être recensé parmi les plus talentueux écrivains contemporains.

*Pour la petite histoire, le chocolatier parisien Hugo & Victor a créé le fameux chocolat "le plus petit baiser jamais recensé" pour assurer la promotion de la sortie du roman, s'inspirant de la recette de l'inventeur-dépressif. Résultat : une merveille pour les yeux et le palais :-)
Gwen21
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le 17 avr. 2013

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