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C'est peut-être parce que j'ai lu ce livre contrainte et forcée dans le cadre d'un séminaire qu'il m'a fait aussi peu d'effet, mais à vrai dire, j'ai du mal à comprendre le public visé.
Ce n'est clairement pas un public d'historiens. Éric Baratay, pourtant professeur à Lyon III et considéré comme un précurseur des études animales en France depuis les années 90 fait en effet preuve d'un laxisme méthodologique surprenant. On notera l'absence de bibliographie en fin d'ouvrage (passe encore) mais aussi une grande imprécision pour ce qui est de la justification de ses propos. L'auteur se dispense trop souvent de citer les études auxquelles il se réfère, remplaçant la rigueur scientifique par un discours méprisant qui affirme que certaines découvertes scientifiques, pourtant récentes ou sujettes à controverse, ne sont "plus à prouver". Cette même suffisance se retrouve dans ses critiques répétées de l'histoire sociale ou encore de l'histoire des représentations, alors même qu'il s'appuie tout au long de l'ouvrage sur des oeuvres littéraires du 19ème siècle ! On passera rapidement sur la récupération indécente et inexacte d'un vocabulaire militant issu d'autres luttes (les animaux, des "prolétaires" qu'est-ce qu'il ne faut pas lire de ses propres yeux), un travers hélas un peu trop répandu dans le mouvement de défense des animaux (je ne vais pas disserter sur la veggie "pride" mais ce n'est pas l'envie qui m'en manque). En effet ce livre s'inscrit dans une démarche clairement militante, ce qui en soi n'est pas un défaut : il y a toujours une part de subjectivité dans chaque étude historique, et ici cette subjectivité a au moins l'avantage d'être assumée. Le problème selon moi c'est que la proposition historiographique de Baratay présuppose l'acceptation par le lecteur d'un certain nombre de concepts (abandon de la dualité homme animal etc.) que l'auteur ne défend pas avec brio. Baratay semble penser que parce qu'il peut remonter à l'origine d'un courant de pensée, alors ce dernier est forcément faux, comme si toutes les idées ne venaient pas forcément de quelque part.
Pour ma part j'ai trouvé la démonstration des concepts qui sous-tendent tout son bouquin insuffisante, ce qui m'empêche d'apprécier la proposition historiographique qui est la sienne. Le ton relativement méprisant de l'auteur à l'égard de ceux qui ne maitriseraient pas le jargon de la défense des droits des animaux laisse penser que ce livre est d'abord destiné à ceux qui sont impliqués dans la cause animale et pour qui tout cela coule de source. Il y a fort à parier qu'éthologues et zoologues trouveraient ce produit hybrique de leur discipline et de l'histoire trop littéraire et imprécis sur le plan scientifique, d'autant que Baratay ne fait que reprendre leurs travaux, comme il reprend les études historiques déjà écrites pour effectuer une espèce de collage à la pertinence incertaine. S'il est intéressant de réfléchir au cloisonnement entre les sciences de la vie et les sciences humaines, l'apport de Baratay est nul en ce qui concerne l'une comme l'autre de ces disciplines : il n'effectue lui-même aucune recherche, ne cite aucune archive et se contente de reprendre le travail des autres, et ce dans des domaines déjà vus et revus ( la corrida, les animaux dans la guerre)
Ainsi il me semble que ce livre prêche d'abord aux convertis et surfe sur la vague actuelle du véganisme (mouvement que je ne remets pas en cause par ailleurs) pour faire des ventes. La proposition historiographique de l'histoire du point de vue animal se réduit ici à un exercice de style un peu vain, à portée plus idéologique et même égotique qu'autre chose.
Créée
le 9 nov. 2018
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