Volodine ouvre la tête de Breughel et nous voilà à explorer tels des haruspices aveugles les restes dans lesquels nous retrouvons les fluides imaginaires et politiques où se dessinent des archipels, des îles.
Des îles comme celles qui font face à la péninsule de Macau. Des îles, Macau, un petit réduit du port intérieur où des apostats du Parti comme Breughel viennent faire naufrage, entourés par la brume d'une langue inconnue, des refrains populaires des opéras cantonnais.
Des îles, peuplées de signes, de faux horizons.
Les îles, le Paradis : les deux noms que Gloria, Breughel et Machado utilisent pour désigner le Parti qu'ils fuient. « Les îles, comme s'il s'agissait d'un rivage d'espoirs exotiques dont nous aurions à jamais la nostalgie ». Les îles qui finiront par rattraper Breughel au fond de cette rue du Tarrafeiro.
Des îles fantômes pour tromper l'enquêteur.
D'autres îles fantômes, habitées par la folie et l'absence pour cacher la belle révolutionnaire Gloria Vancouver.
Des récits aux récifs incertains, cauchemars pour égarer l'enquêteur.
Des îles, des îles encore, on en invente alors même que gisant dans ce taudis de la rue du Tarrafeiro, étranglé pour un interrogatoire qui n'en finit pas.
On avait bien dissimulés des fictions et des rêves exprès pour brouiller les pistes, pour faire croire à la mort de Gloria Vancouver qui crie, folle, ses slogans de la guerre noire :
« CHRYSALIDE DU TROISIÈME SOMMEIL, REGROUPEZ-VOUS ! »
Mais en vain.
Macau, Breughel, Gloria, la langue, les fictions, autant de fictions qui font archipel.
Macau, casino, mafia, tromperie idéologique, opéra du Guangdong : voilà qui serait exotique si nous n'étions déjà étranger à nous-mêmes, à l'humanité et au Parti dans ce récit qui porte dans son sein le dispositif de la confession piégeuse d'un interrogatoire, brouillant constamment la certitude du plan onirique où se dit l'histoire.
« La fiction pouvait reprendre, c'est-à-dire ma vie. »