Unique roman d'Oscar Wilde publié en 1890 et révisé en 1891, Le portrait de Dorian Gray a été jugé répugnant à sa sortie par de nombreux journaux de l'époque ; cent vingt-cinq ans plus tard, je me demande bien pourquoi. L'histoire de ce dandy à la jeunesse éternelle ne m'a absolument pas choquée. D'ailleurs j'ai du mal à comprendre ce qui a pu heurter la sensibilité des bien-pensants de l'époque ; les mœurs et les mentalités étaient différentes, certes, mais j'ai beau chercher, je ne vois pas. L’œuvre est emplie de cynisme, certes – les tirades de Lord Henry sont jubilatoires, le personnage est pour beaucoup dans la qualité de l'ouvrage –, mais ceci, je pense, plus dans le but de faire réfléchir le lecteur que pour le choquer : Oscar Wilde était une personne équivoque, il n'est pas étonnant que son unique roman le soit également. Quant aux soi-disant attirances homosexuelles entre les personnages, cela ne m'a pas sauté aux yeux ; ils éprouvent une attirance les uns envers les autres, certes, mais de là à dire que cette attirance est charnelle, il y a un pas que je ne franchirai pas.
Quoi qu'il en soit, les qualités littéraires de ce roman sont indéniables et j'ai pris énormément de plaisir à le parcourir. La subtile touche de fantastique (le portrait de Dorian Gray vieillit à sa place) que l'auteur a enclavée dans son récit décuple son intérêt. Ce procédé lui permet de disserter sur l'art, la beauté, la jeunesse, et de faire l'éloge d'une philosophie de vie qui lui était chère : l'hédonisme. Et cette fin, mes aïeux, quelle fin ! Une des meilleures fins de roman qu'il m'ait été donné de lire, tout bonnement !