Bukowski s'inspire encore une fois de son quotidien pour ce roman, "Post office", et fait donc vivre à son alter-ego romanesque Henry Chinaski les 11 années qu'il a passé au bureau de poste, en tant que facteur puis en tant qu'employé et, comme pour "Women", la description très amusante de ce qu'il vit débouche finalement sur quelque chose d'autre. Ici, d'une routine qui l'assassine un peu plus chaque jour il finit par déboucher sur un constat un peu plus profond, sur un portrait touchant, une description par l'exemple biographique de la condition humaine. Les superviseurs imbéciles, les collègues et leurs banalités, les quelques femmes qu'il croise, son existence qu'il décrit toujours de façon si honnête, amusante et terrible à la fois continue de m'émerveiller, autant d'un point de vue littéraire qu'humain. Ce type a plus de coeur et de couilles que bon nombre d'autres. J'ai l'impression de le connaître à force de lire ce qu'il dit de sa vie , et c'est sûrement un signe qui montre à quel point il est talentueux, puisqu'au fond, c'est totalement faux.
Un roman comme on les aime si on a déjà lu du Bukowski donc, écrit avec les tripes et du talent mais qui prend son temps, qui passe lentement et sans qu'on s'en rende compte d'une description prosaïque de ce qu'il subit et vit chaque jour à quelque chose de plus, petit à petit.
Enfin, le fait qu'il ait réussi à transformer une expérience aussi banale que douloureuse à ses yeux en roman montre bien l'importance de la littérature, de l'écriture, qui permettent de transcender le quotidien, qui peuvent s'imposer - quand on leur consacre assez de temps et qu'on a le talent nécessaire - comme un moyen de sortir de la gangue dégueulasse des jours qui crèvent et viennent empiler leur carcasse sur la nôtre. C'est à dire que ce bouquin a beau être simple, caustique et un peu triste, il me donne de l'espoir du simple fait qu'il ait été écrit, parce que ça montre qu'on peut faire quelque chose de bien à partir de la merde qu'on subit. Ouais.