Un chasseur sachant chasser les chasseurs
Dans les forêts du Wyoming, plusieurs chasseurs se font abattre et dépecer comme de vulgaires cerfs, et rapidement, la psychose s'installe. En effet, dans cet état particulièrement conservateur, la chasse est non seulement au cœur de l'économie locale, mais c'est surtout un art de vivre, et beaucoup d'habitants verraient d'un très mauvais œil que leur passe-temps favori leur soit interdit pour une période indéterminée, le temps que l'on retrouve le fameux "chasseur de chasseurs"…
Je ne vais vous raconter n'importe quoi et prétendre que je connaissais cet auteur avant d'entamer ce huitième épisode de la "saga Pickett" : en effet, il faut un début à tout, et il s'agit du premier livre de C.J. Box que j'aie lu. Alors que le sujet ne m'attirait pas plus que ça, je n'ai pas été déçu, loin de là. Certes, les terres boisées du Wyoming ont de quoi dépayser les lecteurs français que nous sommes, et le héros qui officie en tant que garde-chasse est bien loin des personnages que l'on retrouve habituellement dans les romans policiers américains. En effet, Joe Pickett n'est pas particulièrement charismatique, et hormis sa propension à abîmer ses voitures de fonction, il ne possède pas de talent particulier : dans cette histoire, il est souvent plus spectateur qu'acteur, et il se contente principalement de suivre son instinct comme le ferait un individu lambda. Il est par conséquent assez facile de s'identifier à lui, sauf bien évidemment quand il défend bec et ongle l'utilité de la chasse au XXIème siècle…
Sans être lent, le rythme est loin d'être tonitruant, et l'auteur n'hésite pas à s'attarder ici et là sur la beauté des paysages automnaux, ou encore à nous expliquer en détail le déroulement d'une chasse à l'homme sous une pleine lune aux éclats bleutés... Ne se limitant pas au seul Joe Pickett, C.J. Box se met par moments dans la peau du tueur, et utilise à cette occasion la première personne du singulier, mais la traduction anglais-français est trompeuse, et ce, dès la toute première phrase du livre : par conséquent, à moins d'avoir une intuition de génie, il vous sera impossible de deviner l'identité du fameux "prédateur".
Malgré une fin expédiée et un certain manichéisme dans la description des personnages, ce livre de 300 et quelques pages fut dans l'ensemble fort agréable à lire. Alors que je suis plus habitué aux héros "urbains" de Michael Connelly, John Connolly, Robert Crais ou encore Lawrence Block, j'ai découvert une autre sorte de roman policier, dans des territoires reculés où l'on vit en symbiose avec la nature et où tout le monde se connaît plus ou moins. Les Etats-Unis ne se limitent pas qu'à New-York et Los Angeles, et certains auteurs de polars feraient bien de s'inspirer de C.J. Box pour nous décrire cette Amérique profonde, finalement bien méconnue du reste du monde. "Le prédateur" n'est sûrement pas le thriller le plus palpitant que j'aie lu, et les quelques chapitres consacrés à la vie de famille du garde-chasse n'apportent pas grand-chose à l'intrigue, mais je me suis tout de même pris d'affection pour ces personnages parfaitement ordinaires, et aujourd'hui, j'envisage très sérieusement de rattraper mon retard et de lire l'intégrale des aventures de Joe Pickett.