"Qu'est ce qui est fort ?"
Ce roman ne plaira pas à tout le monde, c'est sûr.
Il se présente comme l'adresse d'un narrateur "apprenti philosophe" à Heisenberg, scientifique allemand, fondateur de la mécanique quantique pendant la première moitié du XXe siècle. Une première partie du roman est consacrée aux travaux d'Heisenberg, aux débats avec ses contemporains (Schrödinger, Einstein), et il est vrai que cela peut paraître très obscur ou très peu intéressant pour un lecteur qui n'a que faire de la mise en place de la physique quantique en Allemagne.
L'intérêt de ce livre se trouve dans le récit de l'histoire de la vie d'Heisenberg. Il faut avoir cependant une curiosité pour ces moments de controverses dans l'histoire de la science, qui se présentent comme la mise en place de nouvelles manières de percevoir le réel, de s'y inscrire, et de se le représenter. Dans ce roman, on découvre les déceptions, les avancées, les doutes, les questionnements, les reculs, les réussites d'Heisenberg, et Ferrari parvient à inscrire de la subjectivité dans la science.
Mais l'intérêt repose aussi dans l'espèce de dialogue que le narrateur met en place avec Heisenberg. Plus que d'un dialogue, il s'agit d'un long monologue, divisé en différentes parties (position, énergie, vitesse et temps), et qui nous montre l'évolution du narrateur au regard de l'évolution d'Heisenberg. Si l'on ne sait en vérité rien sur le narrateur, l'histoire d'Heisenberg semble éclairer la sienne et lui donner du contenu.
Il ne faut pas s'attendre à un roman classique, qui redonne foi en l'avenir. C'est un roman assez pessimiste, plutôt désillusionné sur l'homme (à mon sens), et qui nous laisse dans un flou perturbant à la fin de l'oeuvre. Cependant, ce flou final, plus qu'une faille du livre, est l'essence même du roman. C'est le flou du narrateur face à la vie, c'est le flou d'Heisenberg face à la science, c'est le flou du monde dans lequel nous sommes face aux évolutions à venir.