Le Prospectus par anarion21
Comme cela transparaissait déjà dans "Les nuits de Flores", César Aira est bel et bien un écrivain à suivre, un de ceux qui peuvent porter une vision de la littérature. En effet, ici, si tout est magnifique, l'important n'est même pas là. Ce qui est important c'est l'écriture en train de se faire, c'est de constater qu'il est possible, et même souhaitable de se passer de toute cohérence. Ce qui est fascinant, c'est de voir comment un livre est toujours au bord du gouffre, et peut y tomber sans entamer le moins du monde le plaisir du lecteur.
Le Prospectus part d'une intrigue d'une simplicité enfantine, une actrice amateur rédigeant un petit feuillet publicitaire pour des cours d'art dramatique. De ce point, on bascule gentiment dans l'évocation d'un riche manoir britannique en Inde, aux allures idylliques qui évoquent fortement Le Fleuve de Jean Renoir. Puis on bascule méchamment cette fois dans une aventure sans queue ni tête où l'absurde le dispute au franchement grotesque. Et tout ça sans perdre un seul instant la sensation que tout est normal, rien ne diffère de ce qu'il devrait, comme attesté par les interventions de notre actrice qui ponctuent le récit de digressions romantico-philosophiques. Tout simplement parce que normal, ça l'est bel et bien, que tout est possible dans la littérature, ce que César Aira n'a de cesse de nous prouver de sa superbe écriture.