Je me souviens du tapage médiatique quand ce livre est sorti. J'ai même été tentée de l'acheter. Je me souviens des éloges, de l'admiration qu'Aubenas à suscitée, elle qui a bravé les barrières sociales, qui telle une ethnologue chevronnée, est allée voir comment vivaient les "pauvres". Et la voilà partie sur Caen, prête à en découdre avec Pôle Emploi, ces salauds de patrons, et ces incapables de l'administration. Et nous voici entraînés dans une accumulation de lieux communs.Elle évoque des tragédies humaines, certes, mais avec tellement peu d'empathie, et elle ne pose aucune des questions qui fâchent. Pourquoi des personnes en sont-elles réduites à préférer se faire enlever toutes leurs dents plutôt que de se faire soigner? Est-on fainéant parce que parfois, travailler nous fait perdre de l'argent? La crise fait mal, c'est vrai, mais elle n'est pas responsable de tout. Les personnes modestes qu'elle croise sont très vites cataloguées "cas sociaux" et sont jugées du haut de son cursus et de sa richesse culturelle. L'exemple type: sa surprise en découvrant que l'une de ses collègues est transexuel(le), comme si l'identité sexuelle et le genre n'étaient que les préoccupations du show-business. Au final, il reste un sentiment d'écoeurement face au travail de cet auteur, qui se donne le droit de juger des gens alors que son postulat de départ est vicié: partir dès qu'elle décroche le fameux CDI. Oui mais la réalité, c'est qu'un appart l'attend à Paris, une carrière, une reconnaissance. Comment peut-on dès lors écrire sur le ressenti de personnes enfermées dans la précarité? A croire que l'enquête d'Aubenas vise en fait à avertir le gotha parisien que, dites-donc ma bonne dame, il paraît qu'il y a des travailleurs mal payés et même des pauvres en FRance !!!