Le Ravissement de Lol V Stein interpelle d'abord par son titre. Ce nom étrange, abrégé, qu'on hésite à prononcer, et puis surtout ce ravissement, qui sonne si joliment, mais dont on ne sait de quelle nature il procède. Joie, folie, ou peut-être un peu des deux?
Le temps suspendu.
La première fois que j'entendis parler du livre, je tombai amoureuse du titre seul. Le Ravissement de Lol V Stein. Et il fallut six années supplémentaires pour qu'enfin je le lise.
L'écriture de Marguerite Duras est syncopée, fulgurante. Les énoncés y tombent comme des couperets, peut-être d'une façon particulièrement marquée dans ses œuvres les plus tardives. Ici, le texte garde encore de son étoffe et ne connait pas le dépouillement auquel l'auteur a parfois pu réduire son écriture. Toute la beauté et toute la poésie du livre résident dans l'infra-ordinaire que Marguerite Duras parvient finement à saisir et à dire. Parler de la vie, celle qui se situe en marge de l'événement, celle dont on ne peut parler qu'avec difficulté, précisément parce qu'on ne la voit presque pas et parce qu'elle est de l'ordre de l'indicible. La folie, la douce folie, les émotions contradictoires qui nous traversent, le désir, l'amour, la douleur ordinaire, tous ces petits riens, bien souvent réduits au silence car mystérieux, inquiétants, et qui sont pourtant la vie même.
C'est cela, l'écriture de Marguerite Duras. Non les faits ni les péripéties ni les évènements extraordinaires, mais tout ce qui gravite autour, tout ce qui bourdonne dans nos corps et nos esprits.