Depuis ma lecture du Démon, je sais qu’un roman d’Hubert Selby Jr. ne se prend pas à la légère. On va souffrir à sa lecture, l'auteur ne s'intéresse qu'aux traits les plus sombres de l’âme humaine. En se renseignant au sujet du livre on apprend que c’est probablement l’unique roman de Selby qui finit « bien ». On ne se refait pas, qu’importe la conclusion, les épreuves pour atteindre cette lumière au bout du tunnel seront terribles.
Contrairement au Harry du Démon, dans le Saule les personnages ne sont pas intrinsèquement torturés, c’est probablement ce qui tape le plus dur. Le début du roman raconte un évènement horrible car plausible, deux enfants sont agressés car leur amour déplait aux communautés dont ils sont issus. Maria est défigurée et Bobby laissé pour mort dans la rue. On a même du mal à en vouloir à leur agresseurs tellement ils sont jeunes et semblent irresponsables.
Recueilli par l’étrange Moïshe qui vit reclus, Bobby n’a plus qu’une seule raison de vivre, se venger brutalement de ses agresseurs, de ce monde qui ne lui épargne rien. La vengeance, unique moyen pour qu’il retrouve la paix, pour que s’apaise sa rage intérieure. La vengeance, contre laquelle le rescapé des camps nazis Moïshe n’a que des remèdes simples à opposer, la bonté et le pardon. Comment faire accepter cela à cet enfant légitimement révolté ?
Dur, mais comment pouvait-il en être autrement ? Le Saule n’est pas qu’une fiction. Deux thèmes intimes à Selby sont présents à la lecture. D’abord les sentiments d’injustice et de culpabilité, lui qui a semble-t-il été en colère une grande partie de sa vie avant de trouver l’apaisement. Et surtout l'expérience de Maria du milieu hospitalier qui est proprement terrifiante et qui laisse à penser que Selby en a énormément souffert.
Le duo de personnage est formidablement bien dépeint. Bobby souffre d’un manque d’éducation et d’ouverture sur le monde hors de son quartier, il devra se défaire de ces boulets pour passer de petite frappe à adulte éclairé. Et Moïshe au destin incroyable et tragique qui pensait avoir vaincu toutes les épreuves de sa vie pour se trouver face à une encore plus grande épreuve, la transmission.
Alors oui, le roman se termine « bien » mais la voie vers le pardon est bien plus difficile que celle de la vengeance. 9/10