Des récits de fureur et de sang puisés dans l'Histoire des grands conquérants (Saladin, Bayazid, Gengis Khan...), des grands guerriers. Un tourbillon de violence fait de la furie animale des hommes qui se cristallise en rivières pourpres nourries par le chant d'épées vermillon et scandées par des conquêtes sanglantes. Pouvoir, puissance destructrice et ivresse du combat guident des êtres hors normes qui luttent sans merci pour se placer au sommet de la bestialité prônée par Robert Ervin Howard.
"Je ne sais jamais quelle quantité de violence et d'horreur les lecteurs sont prêts à endurer."
Ces contes fougueux se déroulent en des époques, des lieux repérables et des évenements historiques ayant eu lieu. Ils donnérent à l'auteur, de ce fait, un gros travail documentaire. L''écrivain Texan les abandonnera par la suite avec bonheur afin de libérer son imaginaire débridé si novateur et se consacrer pleinement à ce qui forgera sa légende : la Fantasy dont il est l'un des premiers fondateurs.
« Je ne parviendrais jamais à gagner ma vie avec de tels récits ; les marchés sont trop restreints, les contraintes trop importantes, et cela me prend tellement de temps pour en achever un. »
Pour les aficionados de ce genre de "stories" ou récits historiques ce sera de bons moments mais pour celui qui, venant de Conan recherche l'aventure "no limits" et le parfum des légendes qui transpire tout de même de ce recueil, il manquera un soupçon de sel. Autre contraste avec le Cimmérien les guerriers du SdeS rêvent d'un royaume, d'une couronne alors que le barbare "foule de ses sandales les trônes constellés des joyaux de la Terre". D'une nouvelle à l'autre les preux paladins et les procédés narratifs se ressemblent beaucoup. Il sera difficile donc d'enchainer plus de deux histoires aux ressorts similaires. Pourtant la plume de Howard est toujours aussi belle, alerte et l'on ne saurait trop conseiller au lecteur de lire les plus brillants textes de ce recueil "Le seigneur de Samarcande" ou la sanglante "Le Sang de Belshazzar" ou la furia de "Les épées rouges de Cathay la noire".
Toujours cette noirceur omniprésente et ce nihilisme ambiant encore plus en avant que dans les récits de Conan puisque en appui sur des faits réels. Un étalage d'aggressivité à peine soutenu par la vengeance, la duperie, les complots, la jalousie, la haine, le désir, l'ambition et autres trahisons gratuites. Bref, tous les travers de l'homme qui, in extenso semblent montrer la misanthropie et le désamour fondés que semblait éprouver Howard pour son espèce.
"La vie barbare était infernale ; la vie moderne n'est pas mieux."
Malgré toutes les qualités littéraires de Howard qui excelle dans la description de personnages rugueux (1) ou des batailles titanesques (certainement son apogée), la réelle dimension cinématographique qu'il imprime avec fougue, cette orchestration puissante et rythmée des combats déchainés, ce divertissement écrit furieux et conduit de main de maître, il manque quelque chose pour nous décoller pleinement. Pas de sorciers, pas de grimoires antiques et sulfureux, de pyromancie, de monstres sanguinaires, pas de magie, pas de Terres inconnues et donc des scénarios sans ces condiments précieux et si poétiques qui parfument la "Sword and Sorcery", la divine Fantasy mais des nouvelles au réalisme brutalement beau.
In fine là où les récits de Conan nous plongent dans un Monde exotique, onirique et merveilleux peuplé des fantasmes les plus divers, les héros du SdS nous ramènent vers notre Monde et limitent, peut être un peu, notre capacité à nous évader... tout simplement à rêver. C'est dommage et il faudra donc espacer les lectures de ces histoires "Brutales to the max" pour souffler un peu et les apprécier encore plus. Un must !
(1) Son regard se posa pour la première fois sur Skol Abdhur le Boucher, déjà à demi légendaire du fait de ses exactions sanglantes. Le Normand découvrit un géant à l’allure étrange, étendu sur un divan de soie au centre d’une pièce dont les tentures et l’ameublement étaient dignes d’un roi. Debout, Skol aurait dépassé Cormac d’une demi-tête, et même si son énorme panse gâchait la symétrie de sa silhouette, il n’en restait pas moins une image saisissante de la force physique dans toute sa puissance. Sa courte barbe, naturellement noire, était teinte et présentait un aspect bleuâtre ; ses grands yeux noirs brillaient d’une lueur vagabonde qui semblait parfois proche de la folie.Il était chaussé de babouches cousues de fils d’or dont les pointes étaient exagérément recourbées vers le haut et était vêtu de pantalons bouffants persans en soie précieuse. Une large ceinture verte, de soie également et alourdie d’écailles d’or, était passée autour de sa taille. Par-dessus celle-ci, il portait une veste sans manches, richement brochée et ouverte sur le devant, laissant apparaître son gigantesque torse. Ses cheveux bleu-noir, confinés par un anneau d’or serti de pierreries, tombaient jusqu’à la hauteur de ses épaules. Ses doigts étaient rutilants de bijoux et ses bras nus étaient surchargés de lourds bracelets incrustés de gemmes. Il avait enfin des boucles d’oreilles de femme.Il émanait de cet homme une barbarie si incroyable que Cormac éprouva un certain étonnement qui, chez tout autre que lui, aurait cédé la place à un sentiment d’horreur la plus absolue. L’apparente sauvagerie du géant, combinée à ses fantastiques atours – qui rehaussaient bien plus qu’ils atténuaient la frayeur qu’il inspirait – donnaient à Skol Abdhur un aspect qui le plaçait au-delà du commun des mortels. Un individu ordinaire paré de la sorte aurait simplement eu l’air grotesque ; le chef des bandits ne suscitait que de l’horreur.
Nous nous élançâmes dans le désert sans limites, galopant à la vitesse du vent. Mon cœur était joyeux. Le sang de mon ennemi était sur ma lame, j’avais un bon coursier entre les jambes, les étoiles brillaient au-dessus de ma tête et le vent nocturne soufflait sur mon visage.