Je n'ai pas aimé Le Seigneur des anneaux à ma première lecture. Son découpage en grands blocs narratifs indépendants, ses descriptions à rallonge, ses chants et poèmes que je sautais allègrement, ses détails qui noyaient le fil directeur de l'intrigue... Cette histoire écrite à l'aveugle, sans scénario préétabli par Tolkien, qui forcément entraîne des longueurs et apartés inutiles à l'histoire principale. ...
J'avais fait mon devoir, j'avais lu le plus grand livre de fantasy du siècle, je pouvais m'enthousiasmer devant les films sans le moindre remord.
Et puis j'ai lu Le Silmarillion. Livre qui, de part sa construction me rappelant les recueils de mythes & Légendes de mon enfance m'a bien plus séduit. Un retour de curiosité m'a pris, avais-je lu Le Seigneur des anneaux de la mauvaise façon ? Avec des attentes qui ne pouvaient par essence être satisfaite ?
Je me suis alors replongé dans ce récit à rallonge, avec un regard neuf. Lisant précautionneusement, prenant le temps de m'imprégner de chaque ligne, n'hésitant pas à recourir à la lecture à haute voix quand mon instinct me le suggérait. Je lisais une épopée, un fragment d'Histoire mythique raconté dans mille chaumières depuis des générations, enfin couché sur le papier par un aède méticuleux.
Ma perception en fut transformée. Le Seigneur des anneaux possède un souffle, une puissance que seuls les mythes parviennent à créer. Et c'est bien dans les détails que la magie se cache, puis t'explose au visage, t'éblouit. Ferré, prisonnier réjoui de ma lecture hallucinée, je vivais pour ces descriptions charriant des millénaires d'Histoire.
Le Seigneur des anneaux pullule de passages majestueux qui émeuvent au plus au point. Mon préféré reste ce moment où, alors que la bataille fait rage sur les champs du Pelennor, l'espoir survient dans la mâture de galères surgissant, eucatastrophe épique. Sorti de son contexte il ne vous fera peut être rien, mais personnellement, à le relire là seulement le temps de la rédaction de cette critique, il me file des frissons dantesques :
Mais alors l'étonnement le saisit, en même temps qu'une grande joie; il jeta son épée dans la clarté du soleil et chanta en la rattrapant. Et tous les yeux suivirent son regard, et voilà que sur le navire de tête un grand étendard se déployait, et le vent le fit flotter, tandis que le navire se tournait vers le Harlong. Dessus fleurissait un Arbre Blanc, et cela c'était pour le Gondor; mais il était entouré de sept étoiles et surmonté d'une haute couronne, marque d'Elendil que nul seigneur n'avait portée depuis des années sans nombre.
Rien que de retranscrire cet extrait issu du feu de la bataille, j'ai une envie subite de relire l'ensemble.
J'en suis à présent à ma quatrième lecture du Le Seigneur des anneaux. Je ne finirai pas comme Christopher Lee à le relire chaque année. Mais cette œuvre est bien rangée dans ma bibliothèque. Entre L'Iliade et L'Enchanteur, ces livres auquel j'ai recours pour renouer avec la quintessence d'une forme de littérature en désuétude : la Matière, la Légende, le Mythe.