Bled Ruiner
Encore un verre. Au coeur de la crasse du Whistlin' Dick, des rangées de péquenauds abrutissent les derniers souvenirs hagards des jours passés dans un torrent d'alcool. Ils tentent de noyer sous un...
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le 5 août 2016
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Encore un verre.
Au coeur de la crasse du Whistlin' Dick, des rangées de péquenauds abrutissent les derniers souvenirs hagards des jours passés dans un torrent d'alcool. Ils tentent de noyer sous un flot amer ces images, ces traces dévastées de leurs vies.
Une tornade.
Ce serait sans doute la première idée qui traverserait l'esprit d'un voyageur s'égarant par hasard dans la Corn Belt confronté au spectacle piteux qu'offre la ville de Baker. Devant les ruines, devant l'affliction de ses habitants, devant l'anarchie ambiante et l'atmosphère de chaos, il faudrait pourtant invoquer une cause moins grandiose, plus humiliante.
Un homme.
Un homme qui continue de tourmenter les habitants de cette décharge, un homme dont le souvenir ravive la honte de la folie, de l'excès. Un homme qui, à lui seul, a mis en exergue l'intégralité de la bassesse des fumiers de Baker, tous aussi pourris qu'imbéciles.
Des ouvriers alcooliques et violents aux patrons méprisants et racistes, des policiers impuissants aux escrocs religieux, tous ont sombré dans l'apocalypse déclenchée par ce rejeton de leur crasse, ce débris recraché par leur décharge communale.
Ils peuvent bien discourir sur les raisons, inventer un mensonge collectif, boire pour nier l'évidence, ils peuvent se réfugier dans les jupes de leurs harpies méthodistes aptes à se nourrir de tout désespoir, ils peuvent tenter de refaire le film de ce coup de tonnerre qui leur est tombé sur le coin de la gueule, de comprendre ce qui a fait que, rien ne pourra leur révéler les motifs de la vengeance de John Kaltenbrunner. Rien ne leur révèlera la dureté de ses jeunes années, le monde qu'il a traversé avant de revenir, méconnaissable, au milieu des siens.
Au cours d'un destin anti-héroïque au possible, traversé par la mort, la pauvreté, l'exil, l'impuissance, tourmenté par des individus méprisables et des règles absurdes, cet homme s'est pourtant construit comme une exception, un roi dans la boue. Charismatique, brillant, fort... Colossal. Baker a façonné la cause de sa destruction : un monstre vicieux, hargneux, rusé. Un résidu d'horreur, incompris et incompréhensible.
Décharge humaine, Baker regorge d'ordures. C'est un foutoir, un bordel peuplé des pires engeances, de types tellement médiocres qu'ils en deviennent irréels. C'est une ville américaine comme il en existe des centaines, perdue dans les terres et dans la boue.
C'est une porcherie immonde, remplie des pires gorets, grinçant dans son ignominie.
John Kaltenbrunner est né ici, et il en a fait son territoire, mettant son monde à feu et à sang. Il en est devenu un roi destructeur.
Le saigneur des porcheries.
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le 5 août 2016
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