Avec sa série actuelle Rois du monde, l’actualité de Jean-Philippe Jaworski s’est quelque peu éloignée de son « Vieux Royaume » décrit dans Janua Vera et Gagner la guerre, mais la publication du Sentiment du fer, recueil de cinq nouvelles, est l’occasion de renouer avec ce remarquable univers de fantasy.
Et, par « remarquable », j’entends par là que même moi, qui ai abandonné le plus gros de mon intérêt pour le med-fan à peu près au même moment que l’Union soviétique est passée de mode, je me passionne pour ce monde, ces peuples et ces luttes.
Cinq nouvelles, donc, qui suivent un ordre chronologique et commencent par les premiers jours de l’indépendance de Ciudalia et continuent sur des péripéties de la grande guerre qui en découla. Cinq nouvelles, chacune dans un ton différent, mais qui dépeignent les facettes d’une même réalité.
On commence par la nouvelle éponyme, qui renoue avec Ciudalia et avec le style des aventures de don Benvenuto, mais avec un de ses lointains prédécesseurs. L’auteur s’amuse beaucoup avec l’argot des truands et avec les machinations tordues.
Le texte suivant, L’elfe et les égorgeurs, est plus léger dans le ton, mettant en scène – comme son nom l’indique – un elfe qui va demander l’hospitalité auprès d’une bande de coupe-jarrets qui ont élu domicile dans un château pillé de frais. Sympathique, l’histoire est cependant quelque peu prévisible.
Avec Profanation, le ton change: c’est un homme accusé de détrousser les cadavres qui passe en jugement devant les autorités ecclésiastiques de l’Église du Décharné. Peut-être le texte le moins fort (notez que je n’ai pas dit « le plus faible ») du recueil, il vaut pour sa description des conséquences des batailles et pour sa conclusion glaçante.
Si Désolation commence par une citation de Tolkien, ce n’est sans doute pas un hasard: l’histoire de cette colonne de nains qui s’engagent dans une vallée interdite pour tenter de secourir une de leurs forteresses assiégée et qui tombent sur un secret millénaire est une brillante relecture de ce peuple tolkiennien en diable.
Enfin, La troisième hypostase est l’histoire d’un affrontement entre une humaine initiée par les elfes à leur magie et qui devient, malgré elle, une cible dans la guerre en cours. Jaworski y dépeint une magie très naturelle et très vivante.
Je n’irai pas par quatre chemins: j’ai adoré ce recueil. Je pourrais, comme beaucoup de mes collègues en chroniques littéraires, râler sur la forme très rudimentaire des ouvrages de la collection Hélios – marge microscopique, table des matière et notice biographique absentes – mais ce n’est pas très grave.
En cinq nouvelles, Jean-Philippe Jaworski fait plus pour décrire son univers, ses forces à l’œuvre, ses peuples et leurs particularités, que ses deux précédents ouvrages. J’ai réellement eu l’impression d’y trouver une lecture modernisée, débarrassée de ses éléments mystiques ou légendaires, des Terres du Milieu.
Vous allez peut-être trouver que j’en fait des tonnes en mettant Jaworski et Tolkien sur le même piédestal. J’admets, mais d’une part, ce n’est pas exactement ce que je dis et, d’autre part, l’un s’est clairement nourrit de l’autre, mais arrive à en restituer l’essentiel tout en le transformant en quelque chose d’original.
Si vous ne connaissez pas le Vieux Royaume, ce court volume – 200 pages – est une introduction idéale et, si vous êtes déjà coutumier des deux premiers ouvrages, il est juste indispensable.