Le XXI ème siècle ne sera pas spirituel et les espoirs de Malraux s'avèrent anéantis.
La lecture du livre de Jérôme Ferrari a été enrichissante à plusieurs titres. Le sermon sur la chute de Rome raconte déjà la décadence programmée de deux amis corses qui tiennent un bar dans leur île d'origine.Revenus d'études en philosophie sur Paris, ils rejoignent un univers commercial et basique dans un bistrot qui les rendront encore plus amers sur la vie et leurs congénères.
L'écrivain remonte aussi la généalogie de la famille Antonetti ( de l'arrière grand-père à Matthieu) pour suggérer que même à différentes époques, une identité familiale demeure et que certaines actions de membres d'une même famille entrent en résonnance.
L'épilogue du livre est la retranscription exacte du sermon sur la chute de Rome pour légitimer le titre de l'ouvrage, et être comme le choeur dans une tragédie grecque qui fait un bilan de l'action exposée.
Suite à ces quelques considérations, j'ajoute que le style précis et essentiellement narratif de Jérôme Ferrari est vraiment en accord avec un récit accablant sur la nature humaine et ses mouvements anarchiques. Comme dans Oedipe roi, le lecteur perçoit l'inexorable destin en marche où les deux amis Libéro et Matthieu seront séparés par leurs actes et leurs idées. Ce constat n'est pas triste en soi puisque comme le rappelle le sermon sur la chute de Rome, l'homme bâtit sur du sable et que ses royaumes sont éphémères.
Les autres personnages du roman ne sont pas épargnés non plus.La plupart d'entre eux sont animés par la même difficulté à vivre,à s'exprimer, à s'engager dans une relation de couple et le moment présent ne suffit plus à combler leurs mal-êtres existentiels. J'ai presque supposé que l'auteur prédit donc la fin d'une civilisation pour annoncer l'avènement d'une autre, toujours au stade de la formation. Alors, vivement la suite!