Du code, des emprunts, lirons-nous le Chevalier aux épines, note de lecture rapide, toussa

Lu ce matin "Le Service des Dames", histoire de voir si j'allais tenter la prochaine saga de Jaworski se déroulant dans le Vieux Royaume puisque, bien que détestant la fantasy en bloc, j'avais pas mal aimé Gagner la Guerre il y a quelques années.


Bon c'est très agréable à lire, pas de problème là-dessus, la capacité stylistique de Jaworski est bien connue. Mais je suis vraiment dérangé par deux choses en parcourant ce court morceau : d'une part, c'est exactement la même histoire structurellement que tout ce qu'il a écrit sur son assassin (un personnage OP au combat se fait manipuler pour ses capacités martiales, il est un peu goguenard avec les puissants qui sont pervers mais sans excès, et il se sort d'une situation désespérée grâce à sa capacité rhétorique qui lui permet d'éviter un combat impossible). Je m'attendais à une approche radicalement différente.


D'autre part, je commence à supporter de moins en moins la manière dont il prend des éléments très spécifiques de littératures identifiées, qui font sens dans un contexte précis, pour en faire des supports bizarres à des romans d'action très contemporains dans leur approche. Ça crée une monstruosité qui me heurte pas mal en tant que lecteur.


Là typiquement la manière dont on mélange les codes de la conversation courtoise - qui sont quand même vachement mal imités, parce qu'ils n'ont plus de sens dans les relations de personnages proposés - et un concept comme celui de la coutume à épreuve au Moyen-Âge à une scène d'action qu'on pourrait retrouver dans un Stallone, ça marche carrément pas.


Ça crée une étrangeté, une artificialité qui fait complètement péter la plongée immersive dans l'œuvre pour moi, j'y crois pas du tout, et j'ai le sentiment d'être face à un collage d'influences qui peuvent pas marcher entre elles.


J'ai pas le sentiment d'être dans un récit, les fonctions, les inspirations, les adaptations me sautent au visage et je vois le bouquin comme un squelette avec des étiquettes, je vois l'os. Entre parenthèses ça me dérange pas du tout dans un bouquin conventionnel d'avoir ce rapport très analytique à la lecture. Mais quand je lis un roman d'aventures je veux pas être parasité par ça.


Pour préciser rapidement le propos, sans faire un cours pénible sur le concept de courtoisie au M-Â et surtout dans les arts puisque c'est un discours déjà artificiel à l'époque, et dont l'unité dépend d'une reconstruction critique moderne.


La courtoisie, pour peu que ça ait réellement existé sous les formes que les récits nous en donnent, c'est un code comportemental rendu nécessaire par l'impossibilité en société d'agir d'une certaine manière à cause des mœurs attachées à la distribution sociale du temps. Disons en vulgarisant au max.


Tu peux pas créer un univers où les personnages sont liés par ces "habitus" - parce que t'es un gars qui a mongolisé sur Chrétien de Troyes et que ça te fait marrer - si vingt pages plus loin les mecs se mettent des flingues sur la tempe (métaphoriquement) en disant qu'ils vont se défoncer la gueule la prochaine fois qu'ils se croiseront.


Au niveau de la construction de ton environnement ça ne marche pas. Et c'est là qu'on en arrive au problème global chez Jaworksi, l'érudit est toujours en train de se confronter au metteur en scène / au narrateur, et ça forme ce décalage, cette étrangeté qui déconne.


Dans Gagner la Guerre on a le même problème avec la superposition de passages qui n'ont rien à foutre entre eux, et de toute façon le Vieux Royaume en terme de lore c'est complètement con, c'est stylé parce que c'est une bibliothèque vivante et hétéroclite mais ça brise complètement l'illusion.


Je sais pas, donc, si je vais me lancer dans une saga de trois tomes onéreux où je pense que l'auteur va faire ce qu'il fait toujours, écrire un personnage d'aventurier qui fait le malin au milieu d'une orgie référentielle.


Je me dis que je ferais mieux de consacrer mon maigre temps à autre chose.


S_Gauthier
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le 15 janv. 2023

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