C’est un livre d’entretien entre Yann DEDET (74 ans), monteur (parfois acteur et réalisateur) et Julien SUAUDEAU (45 ans), écrivain (5e livre), critique à « Positif » (2001-2004) et réalisateur de documentaires. Le titre vient du fait que le monteur, en manipulant les rushes, voit les images juste avant le 1er spectateur du film achevé. En 327 pages et 42 chapitres, Yann Dedet, né en 1946, faisant des films en 8 mm dès l’âge de 11 ans, raconte sa vie professionnelle (quelle mémoire !), constituée de 80 films, des « Deux Anglaises et le Continent » (1971) de François Truffaut à « Fête de famille » (2019) de Cédric Kahn. On y découvre les réalisateurs qui ont compté pour lui, tels que François Truffaut (5 films – « Jamais de raccord dans le mouvement »), Maurice Pialat (6 films), Cédric Kahn (6 films) et Philippe Garrel (5 films). Yann Dedet a réalisé un seul long métrage de fiction, « Le pays du chien qui chante » (2002) et où joue son fils Jules. C’est à ce moment-là qu’il rencontre, par l’intermédiaire de Cédric Kahn, Julien Suaudeau qui va réaliser son 1er documentaire, « Il était une fois en Côte d’Ivoire » (2005) et dont Yann Dedet est le monteur. Le montage de « Feux rouges » (2004) de Cédric Kahn est son 1er film numérique sur lequel il travaille. La lecture est agréable et facile, même si on n’a pas vu les films cités (personnellement 75 sur 80 soit 94 % !), plus proches des goûts des « Cahiers du cinéma » ou de « Télérama ». Cela constitue néanmoins une réflexion intéressante sur l’art du montage, domaine peu souvent abordé dans les livres (« Il faut toujours se méfier de couper l’inutile, dévalorisé sous le nom de gras alors qu’il est chair »). Il est agrémenté de quelques photos en noir et blanc prises sur le vif lors de la vie professionnelle de Yann Dedet et comprend, à la fin, la liste des films cités avec un résumé de l’équipe de tournage et des acteurs. Probablement pour des raisons financières, l’éditeur n’a pas voulu en faire un livre plus attrayant mais plus couteux à la création et donc à la vente, dans le style « Hitchcock / Truffaut » paru en 1983 chez Ramsay ou « Hawks par Hawks » de Joseph Mc Bride, paru en 1987, également chez Ramsay : photos abondantes (principalement d’extraits de films) illustrant chaque œuvre du réalisateur. Dommage car cela aurait pu lui donner un statut de livre référence sur le montage et le cinéma français, facilement consultable. A la place, un livre, présenté dans la forme comme un « roman », un de plus, et donc sans index analytique, donnant moins envie de s’y référer après sa première lecture. Il a le mérite de mettre en lumière une profession peu connue du grand public et au rôle si important.