Cela ne fait jamais de mal de se faire un peu de bien et l'assertion se vérifie aussi en littérature. Le suspendu de Conakry, qui inaugure le passage de Rufin au polar, fait partie de ces petits bonheurs de l'instant qu'un lecteur est en droit de s'accorder de temps en temps (et plus souvent encore, si affinités). Un livre léger, donc, avec une intrigue à l'intérêt secondaire et d'ailleurs résolu en deux coups de cuillers à pot. Cependant, Rufin en profite pour décrire avec délectation le petit monde de la diplomatie, qu'il connait bien, et plus largement des expatriés français en terre africaine, certains ayant oublié que la période coloniale est bel et bien révolue. Le héros du roman, le dénommé Aurel, est consul à Conakry et c'est son portrait et son comportement qui constituent assurément l'attrait du livre. Il est du genre pittoresque, extravagant et improbable, roumain de naissance, toujours fagoté comme l'as de pique, rougissant devant les dames et grand amateur de vin blanc. Son apparence ridicule dissimule une intelligence hors normes et une émotivité pénalisante. Un beau portrait de limier amateur que Rufin s'est sans doute extrêmement amusé à écrire tout en peaufinant le décor qui l'entoure dans la capitale d'un pays, la Guinée, dont il est rarement question dans l'actualité. Le plaisir, en tous cas, est au rendez-vous pour ce premier rendez-vous avec monsieur le Consul dont on attend pour bientôt de nouvelles aventures dans une autre partie du monde.