Essai sympathique d'Hannah Arendt qui cependant ne m'a pas emporté non plus. Une certaine partie de la thèse avancée par l'auteur n'est plus à jour aujourd'hui notamment sur le totalitarisme nazi. Il y a bien évidemment quelques passages bien sentis sur les masses, l'isolement de l'individu, les principes sur lesquels sont fondées toutes idéologies (en particulier totalitaire), la recherche de la transparence, la réécriture de l'histoire etc. Ces thèmes font vraiment froid dans le dos car il me semble de plus en plus clair que nos sociétés prennent la direction d'une nouvelle forme de totalitarisme, "soft" dira t-on.
Avant de prendre le pouvoir et d'établir un monde conforme à leurs doctrines, les mouvements totalitaires suscitent un monde mensonger et cohérent qui, mieux que la réalité elle-même, satisfait les besoins de l'esprit humain ; dans ce monde, par la seule vertu de l'imagination, les masses déracinées se sentent chez elles et se voient épargner les coups incessants que la vie réelle et les expériences réelles infligent aux êtres humains et à leurs attentes. La force de la propagande totalitaire - avant que les mouvements aient le pouvoir de faire tomber un rideau de fer pour empêcher qui que ce soit de troubler, par la moindre parcelle de réalité, la tranquillité macabre d'un monde entièrement imaginaire - repose sur sa capacité à couper les masses du monde réel. Les seuls signes que le monde réel offre encore à l'entendement des masses non intégrées et en voie de désintégration - et que chaque nouveau coup du sort rend plus crédules - sont, pour ainsi dire, ses lacunes : les questions qu'il dédaigne de discuter en public, ou les rumeurs qu'il n'ose pas contredire parce qu'elles touchent, quoique de façon exagérée et déformée, un point sensible.
Globalement, Les origines du totalitarisme est un bon essai mais dispensable à mon sens si vous êtes en quêtes d'informations sur les éléments clés cités au-dessus. Selon moi d'autres auteurs ont su traiter ces thèmes de manière plus convaincante et plus approfondie. L'ouvrage reste cependant une bonne synthèse, juste un peu datée (1951 et remaniée par l'auteur dans les années 70).