Pérez Reverte est un écrivain qui sait écrire, et c'est toujours ça de pris. Il pose sur les choses un regard scrupuleux que ses mots précis savent traduire dans les moindres nuances. L'histoire commence en 1928 sur un transatlantique et, de suite, on entre dans une époque perdue d'élégance, de luxe et de sensualité bridée à grand peine. Ensuite, l'histoire se déploie sur 3 époques, marquées par un larcin et la rencontre ou les retrouvailles entre Mecha Inzunza (d'habitude, j'oublie de suite le nom des personnages, mais là, il est tellement répété que je pense qu'il me hantera dans la tombe...), femme d'un compositeur célèbre et créature racée à l’extrême, et Max Costa (pareil, comme un mantra...), danseur mondain de petite extraction. L'attirance entre ces deux-là est évidente et immédiate et servira de fil rouge à leurs destins pourtant éloignés. De fait, cette construction tressée en natte serrée est une trouvaille tout à fait réjouissante, que Reverte mène de main de maître. Et ça évite à son volumineux roman de sombrer dans l'anecdote. Au contraire, la juxtaposition des époques provoque des échos très réussis qui tiennent le lecteur en haleine. Ce qui m'a plutôt rebutée, par contre, c'est ce côté incantatoire de l'attirance que les si beaux protagonistes ressentent : la lumière qui flatte les corps, les tressaillements du désir, son assouvissement cathartique, le jeu appuyé des regards... au bout d'un moment, j'avais compris, c'était bon, ça m'a semblé bien trop complaisant, voire facile. Comme si l'auteur avait cédé à sa propre fascination pour cette liaison torride et tourmentée et n'avait pas su s'en tenir à la bonne distance. Après, c'est juste mon impression et je comprendrais que d'autres se lassent moins vite de toute cette passion débordante... De toute façon, les pages incandescentes sur le tango justifieraient à elles seule cette lecture.