Qu'est-ce que le tango de la Vieille Garde ? C'est celui de l'origine, dansé dans les bouges des quartiers de Barrancas ou de la Boca, à Buenos Aires. Avant que sa version aseptisée et beaucoup moins canaille ne conquiert le monde. Dans le dernier roman d'Arturo Perez-Reverte, sans nul doute l'un de ses plus brillants, tout commence sur un paquebot en route vers l'Argentine, en 1928. Le héros en est un danseur mondain, gigolo, escroc et voleur. Et éminemment amoral, cela va de soi. Il va trouver à qui parler avec la femme d'un compositeur célèbre, aussi séduisante que venimeuse. Un jeu pervers, celui du désir et du mensonge, va s'installer entre eux dès leur première rencontre, le temps d'un tango vertigineux. 1928, 1937, 1966 : le destin du ruffian gominé et de la femme fatale sophistiquée ne se croisera que trois fois, sur de courtes périodes. A Buenos Aires, A Nice, sur fond de guerre d'Espagne, dans la baie de Naples, au cours d'une partie d'échecs, symbole de la guerre froide. Le tango de la Vieille Garde se lit comme un roman de Jules Verne, avec un appétit qui ne retombe jamais. Flamboyance et mélancolie se mêlent dans un récit d'aventures époustouflant, agencé de manière diabolique, les époques se répondant sans cesse. Au-delà de ses péripéties, le roman de Perez-Reverte se réapproprie les codes d'une passion sensuelle digne des plus grands mélodrames. Indécent, torride, romantique, sardonique, grave et léger, c'est un livre comme on n'ose plus en écrire, son côté désuet, cruel et hautement romanesque en faisant un petit chef d'oeuvre de littérature populaire, au meilleur sens du terme.