Qu'est-ce qui rend si familier le futur décrit par Rosa Montero dans Le temps de la haine ? Le fait qu'il soit une extension crédible de notre monde actuel avec ses préoccupations et/ou ses dérives (écologie, technologie, nationalisme ...), oui bien sûr. Le parallèle évident avec Blade Runner et ses réplicants, aussi. Et puis, il y a eu les deux premières aventures de la techno-humaine Bruna Husky, contées par la romancière espagnole dans Des larmes sous la pluie et Le poids du coeur. Deux récits très brillants mais dépassés dans l'ampleur, l'émotion et l'intensité par Le temps de la haine. L'action y est permanente, au gré de rebondissements incessants et du compte à rebours enclenché pour l'héroïne, androïde dont la mort est programmée. Le livre est politique (le délitement d'une démocratie rongée par les inégalités sociales, un désastre environnemental, les dangers du spécisme et menacée par la guerre civile) mais aussi un véritable objet de SF. Mais il est surtout terriblement humain, dans ce monde acculturé où la connectivité régit le quotidien, il ne reste que quelques bribes d'espoir avec des sentiments aussi purs et désuets que l'amour et l'amitié. Dans cette fresque noire et agitée qu'est Le temps de la haine, Rosa Montero s'offre le luxe de parler d'aujourd'hui en décrivant demain (2120, précisément) avec un brin d'humour (elle est elle-même présente dans le livre d'une manière très ironique) et sans oublier le riche passé d'innovations de notre histoire (les sublimes automates de Juanelo qui jouent un rôle important dans l'intrigue). Un roman riche et bigarré, nourri de la passion de l'auteure pour la science, l'anticipation et le romanesque. Le cocktail n'est pas seulement explosif, il est proprement jubilatoire (et fort inquiétant pour l'avenir de notre planète, ce qui n'étonnera personne, hélas ).