J'ai longuement peiné à accrocher au tome 1 ("L'enfant de la prophétie"), pour le terminer en me demandant si j'allais vraiment persister dans cette trilogie. Non pas que le 1er tome soit mauvais, puisque la trame de fond est très bonne bien que classique ("héros" choisis par le destin, méchants très vicieux et détestables, intrigues politiques...).

Mais en ce qui me concerne, un défaut vient entacher le plaisir de se plonger réellement dans l'histoire de J.V. Jones. Ce défaut, qui est le même pour "Le temps des trahisons", tient paradoxalement en sa seule originalité : ses "interludes". Pris indépendamment les uns des autres, ces paragraphes narrant l'histoire du point de vue subjectif d'un personnage sont particulièrement intéressants et plutôt bien tournés, en témoignent les -parfois- hilarantes "pérégrinations" de Finaud et La Bousille. Gardes royaux totalement spectateurs des événements (souvent accompagnés de cruchons de bière...), ils sont de véritables commères. Mais considérant leurs conversations qui dénotent totalement des échanges bourrus habituels des "beaufs" de la fantasy, on finit par les apprécier, voire même sourire lorsque l'auteur les fait réapparaitre pour de nouveaux échanges verbaux railleusement philosophiques. Toutefois, ils parlent peut-être comme des vraies pipelettes, mais ils cachent également bien leur jeu. Très observateurs et toujours bien placés pour remarquer des détails sur les personnages principaux et sur la trame principale en général, ils finissent par nous éclairer sur les intrigues en plus de nous faire rire. Très bien trouvé, donc.

Mais voilà un problème : les personnages principaux. Qui sont-ils ? A lire le synopsis, on peut supposer qu'il s'agirait de Melliandra, fille d'un noble extrêmement riche, de Jack, un apprenti boulanger qui se découvre un don de sorcellerie, et Taol, le preux chevalier, dont la noblesse d'âme n'a d'égal que son habileté au combat. Mais à ces trois personnages principaux, il faut également en rajouter trois autres dont les récits, en nombre de pages, sont équivalents de ceux de Melli, Jack et Taol. Je parle de l'archevêque, Tavalisc (bibendum vicieux, malin, calculateur, menteur, haïssable, plus qu'imbu de sa personne, et comptant parmi les personnages fictifs les plus détestables que j'ai pu découvrir), du père de Melliandra, le richissime Maybor (sans doute l'être vivant le lus riche, arrogant, fier, ne pense qu'à son apparence et à sa réputation, et vendrait sa propre fille pour obtenir un plus grand pouvoir), ainsi que du chancelier du roi, Baralis (sorcier redoutable, fin manipulateur, impitoyable, mais il est finalement le moins détestable des trois. Cela tient peut-être à Craupe, son fidèle serviteur, auquel on peut aisément s'attacher).

Toutefois, le tome 2 du "Livre des mots" nous rajoute encore à ces 6 (sic !) personnages Traff, un mercenaire, Mme Tire-Sous, une garce, Chipeur le voleur (bien que ses aventures soient très sympathiques !), le duc de Brennes, et quelques autres. Comme je le disais précédemment, bien que ces histoires soient, pour la plupart, très intéressantes si on les considère indépendamment les unes des autres, il faut parfois attendre une cinquantaine de pages pour poursuivre l'aventure du point de vue d'un même personnage. C'est assez gênant, car à peine s'est-on plongé dans l'histoire d'un personnage que déjà, il disparait au profit d'un autre, et il faudra bien patienter pour connaitre la suite.

Néanmoins, autant l'immersion du tome 1 souffrait de ce nombre pléthorique d'histoires subjectives des différents personnages, autant "Le temps des trahisons" est difficile à lâcher. L'action se déroule bien, les variations de points de vue du récit s'enchainent généralement sur le bon rythme, surtout dans la deuxième moitié du livre, et la trame est particulièrement accrocheuse.

En définitive, "Le temps des trahisons" est plus sombre et plus passionnant que son aîné. Serait-il le meilleur des trois tomes ?

Mais ce système de narration qui accole les différents points de vue des personnages pour former le récit est dangereux : seuls quelques auteurs (Martin, pour ne pas le citer) sont capables de maîtriser ce style de narration et de rendre ainsi l'histoire "accrocheuse". Pour l'instant, je ne trouve pas que J.V. Jones soit passée maître dans cet art, mais elle en a le potentiel. A moi de lire ses oeuvres plus récentes pour le découvrir.
Taurusel
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le 1 févr. 2012

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Taurusel

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