Clothilde retourne en Corse, vingt-sept ans après le décès de ses parents et de son frère, pour montrer le pays à sa fille unique. Malheureusement, elle reçoit bientôt des lettres qui lui laissent penser que sa mère… serait encore en vie !


J’en étais sûre. Bussi est un bon auteur, pour se détendre l’été mais rien de transcendental.
Vous allez probablement me rire au nez. Vous allez probablement me faire savoir que j’enfonce des portes ouvertes. Comprenez-moi avant : après avoir vu les exécrables mini-séries TF1 sur ses livres, j’en étais venue à craindre le pire pour Bussi. Et comme c’est un auteur assez populaire, inutile de vous dire que j’avais un peu peur en songeant à ses lecteurs. Soyez sans crainte, non, vous ne perdez pas des neurones quand vous lisez un de ses livres (contrairement à d’autres ouvrages modernes) mais c’est vraiment pour la plage, le soleil, le farniente et parce qu’on n’est pas habitué à lire plus compliqué en période de boulot (et c’est dommage).
Le style de Bussi est, comment dire ? simpliste. On ne fait pas dans la dentelle, on décrit et, de temps en temps, on s’essaye à des figures de style plus ou moins réussies. On raconte, quoi. Et c’est déjà problématique pour moi parce que… toutes les erreurs d’écriture qu’on me dit de ne JAMAIS faire, il les fait à degré variable. Phrase d’accroche ? digne de mes premiers écrits. Chapitre d’accroche ? Mal accroché (on nous montre l’accident d’un point de vue de la rescapée, donnant, au passage, trop de détails). Introduction ? Ennuyeuse. On mise sur les paragraphes et les espaces pour mettre le lecteur dans le mal-être de Clothilde. Et c’est la seule chose qu’on va faire pour nous créer de la sympathie du personnage. Pas nous parler de sa douleur, pas nous l’exprimer. Ça plus le premier chapitre qui ne sert à rien à par trop dire, vous la sentez l’intro de malade ?
Il commet aussi d’autres maladresses de style, autre que ces saut d’espaces qui ne font changer ni l’action, ni le temps, mais essayent de transformer une scène simple en plein de petites scènes, il va par exemple faire des personnages très caricaturaux : le mari je-m’en-foutiste (concernant l’accident qui a bouleversé la vie de sa femme, un peu de gentillesse, c’est trop demander ?), l’ado immature (pareil, un peu de compassion pour ta mère, c’est trop demander ?), l’héroïne… insipide, le beau marin ténébreux, etc.
A cela s’ajoute que c’est plus un roman passionnel qu’un roman policier. Comprenez : on passe tout notre temps dans des problèmes de cu… couples avec un ou deux rappels de l’intrigue via une ou deux péripéties qui « étoffent » le mystère de la mère. Et pis, paf ! troisième acte, on a la réponse à notre mystère, l’explication qui va avec, un dernier retournement et et ET épilogue merdique, fin ! Tout cela saupoudré de coupes de chapitres avec des phrases faussement accrocheuses de type « elle n’avait aucune idée d’à quel point elle avait tort », « il avait fallu quatre morts, trois hommes et une femme » (sachant qu’on sait qu’il y a deux hommes et une femme morts à ce moment-là) ou encore « et soudain… la fin ». En parlant de chapitres, il a aussi le défaut de très peu varier point de vue actuel et point de vue passé, faisant que les chapitres se répondent parfois trop entre eux (dans le chapitre où on apprend le concours de « dépucelage » organisé par Maria-Chjara, le chapitre suivant on reparle de ce concours comme si Clothilde s’en était toujours souvenue, alors que ça vient de tomber)…
Bref, Bussi écrit et a tout ce qui faut pour créer un suspense, un divertissement, une histoire et une fin mais rien d’extraordinaire.
Il y a en plus une certaine fragilité dans le propos policier. On sent qu’il s’y connaît, qu’il s’est renseigné sur la Corse et-tout et-tout mais ça serait sympa de demander à des corses si ce n’est pas un peu cliché… pareil avec le corps policier. L’homme est géographe, apparemment. Ça tombe bien parce que les descriptions géographiques sont les seules descriptions réussies, qui permettent bien de visualiser le décor. Mais le reste… le plus gênant est probablement les descriptions du corps de la femme, un défaut récurrent chez un homme, où il pense qu’une femme est OB-NU-BI-LÉE par son physique et notamment sa poitrine. Pour comprendre à quel point les descriptions de la poitrine de chaque personnage féminin sont problématiques, c’est comme si, moi, en tant que femme, j’essaye de me mettre dans la peau d’un homme et je partais du principe que les hommes passent leur vie à se regarder leurs couilles et ceux du voisin et à les décrire.
Mais, dans l’ensemble, Bussi n’arrive à se mettre dans la peau d’une femme. Surtout d’une ado de 15 ans ! Enfin, encore que, on peut se dire qu’à cet âge-là, notre corps changeant, une fille est obnubilée par le corps et la poitrine… mouais ! Ça reste gênant d’avoir une gamine qui décrit sa mère de manière sensuelle. Non, vraiment, je ne sais pas comment il imagine une enfant de 15 ans mais ce n’est pas ça…
Néanmoins, ça me rassure que tous les défauts de l’adaptation ne soient pas ceux du livre. Ainsi, bien que je considère que la gamine aurait toujours dû être amnésique, je suis ravie d’apprendre que, au moins dans le livre, il y a l’excuse qu’il faisait NUIT dans la voiture, ce qui explique qu’elle n’ait jamais vraiment réalisé que ce n’était pas sa mère à côté d’elle. Pareil, c’est la première fois qu’elle retourne en Corse ET qu’elle emmène sa fille. Cette dernière ne visitait jamais la Corse avant. Et puis c’est là aussi où tu comprends clairement qu’il ne fallait pas huit épisodes mais à peine quatre ! Parce que, oui, la prémisse de base est sympa mais très simple ! Et comme en plus, Bussi s’est foutu la contrainte de raconter le passé que du point de vue de la gamine et via son journal intime, on a très peu d’éléments qui permettent de nous donner un décor clair et précis sur l’été corse 1989 ! Du coup, il a fallu rajouter toutes ces scènes dans la série pour détailler le conflit entre Salomé, Palma et Paul, à peine effleuré dans le livre ! Et ça crée cette redondance de scènes où Salomé crie sa jalousie et on rajoute des intrigues qui n’ajoutent pas grand-chose mais alourdissent le propos. Et puis, la série réussissait à rendre le McGuffin qu’était le journal encore plus abracadabrantesque que le livre (tu ne sais pas qui l’avait en sa possession, mais au moins, ce n’était pas quinze personnes !).
En fait, le plus gros problème de la série était qu’ils ont dû rajouter des détails, modifier d’autres voire les étoffer, quitte à les contredire, parce que le livre ne vaut pas une adaptation en huit épisodes (j’ai dit à peine quatre, plus haut, mais personnellement, j’aurais fais deux téléfilms d’une heure trente). Parce que le livre a une intrigue policière trop fine et pas assez bien exploitée.
Parce que, au fond, ça reste un divertissement littéraire d’été, qu’on oublie bien vite à la rentrée.

Créée

le 13 juil. 2020

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