Dans ce dernier tome de l'œuvre majeure de Proust, de nouvelles révélations sont faites sur des personnages comme St Loup, M. de Charlus ou encore Morel.

Mais "Le Temps retrouvé" sonne surtout comme l'aboutissement d'un récit colossal et l'on en retient finalement plus les réflexions, les considérations de l'auteur, à travers la parole du narrateur, sur de nombreux éléments caractéristiques et primordiaux des livres de Proust.
Ainsi revient-il sur sa vision de l'art et de l'écriture en particulier, se mettant en opposition du réalisme que l'on trouve chez Zola par exemple. Pour Proust, décrire les choses, les personnes, les évènements ou les milieux (la condition ouvrière par exemple) n'est pas suffisante pour l'écrivain tel qu'il le conçoit. Il insiste sur le fait de trouver en soi sa perception de l'autre, d'aller fouiller au fond de soi-même comment l'on ressent tels effets d'un évènement, de mettre en relation les choses au lieu de les présenter individuellement.
Toujours dans un souci d'écriture nous révèle-t-il que selon lui l'inspiration, la matière est corrélée à la souffrance. Bien entendu les moments de bonheur existent et ne sont pas inutiles à l'écrivain mais pour Proust ce sont bien les peines que l'on endure qui permettent la recherche de sensation entraînant l'acte d'écrire.

Cette recherche, pour le narrateur le conduit à identifier et à relier des sensations éprouvées à deux époques différentes. Ainsi en est-il du goût de la madeleine, de la différence de niveau entre les dalles... qui produisent, enclenchent tout un flot de réflexions chez le narrateur. Il comprend l'incidence du Temps, l'importance des souvenirs et que ces derniers ne restent pas figés dans le passé mais laisse une trace chez l'être. Pas une empreinte identique à ce souvenir, pas une sorte d'archive qui permettrait de consulter ce moment passé comme un vieux livre dans une bibliothèque ; non, Proust comprend bien qu'il en reste une impression (qui peut être faussée dans certains cas comme lors de sa première rencontre avec Gilberte), un sentiment enfoui dont la recherche, la retranscription devient alors le but de l'écrivain. On comprend alors à quel point écrire un récit comme "A la recherche du Temps perdu" ressemble à la construction d'une cathédrale. C'est un travail massif et colossal qui nécessite un effort incroyable et long. "car la vérité se trouve dans la pensée et non dans l'objet".

Et puis arrive une sorte de conclusion étalée, lorsque le narrateur a compris toutes ces choses, a réalisé le travail qui l'attend, ce travail qu'il a repoussé maintes et maintes fois par paresse mais aussi par un manque de connaissance sur ce qui l'attendait.
Cette conclusion surprend même le narrateur, étonné des remarques de son entourage, des changements au sein du milieu (tant physiques chez ceux qu'il a connu que sociaux dans le cercle fréquenté) qui lui font comprendre qu'il a vieilli, tout simplement. Il réalise alors le temps écoulé, et constate que tout Homme que la vieillesse accable traîne avec lui, porte en lui le poids des ans, comme si ses pas en étaient lestés. D'où la difficulté à se mouvoir, l'inutilité des efforts de politesse...

Dans cette œuvre consacrée principalement au rapport au Temps, voir le narrateur réaliser sa vieillesse, l'accepter (?) et l'analyser (en tirer les conséquences, les observations intérieures...) est finalement une belle conclusion d'un travail qui pour tout lecteur de Proust force le respect et l'admiration.
ngc111
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le 17 avr. 2012

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