Signé Andreï Makine, ce roman, largement autobiographique, a obtenu les Prix Goncourt, Médicis et Goncourt des lycéens en 1995… Avouons-le, beau tir groupé !
Est-ce cela qui en fait un bon roman ? Non, certes. Le succès vient plus fondamentalement, selon moi, de la concordance d’une plume légère mais redoutable et d’un sujet qui interpelle en cette fin du XXe siècle, la quête de notre identité. Qu’est-ce qui fonde l’identité nationale ? Sommes-nous d’un peuple, d’une religion, d’une ethnie ? Ou ne serions-nous pas plus encore d’une langue ? Qu’est-ce qui féconde l’identité de nos aïeux ? Leurs vies, ce qu’ils nous en racontent, ce qu’on en comprend ou en rêve ? Ou ne serait-ce pas davantage les mots qu’ils utilisent, ceux qui ont marqué leur temps et nos mémoires ?
Andreï Makine, russe d’origine, ayant connu l’exil comme réfugié politique en France, possède la maîtrise totale de ces deux langues. Et, dans son roman ‘Le testament français’, il développe une extrême habileté pour oser nous dire qu’il est d’une langue, même si celle-ci n’est pas sa première langue d’apprentissage. En mettant en scène Charlotte qui raconte à ses petits-enfants la grande histoire de Russie en fouillant dans la grande valise à souvenirs enfouie sous le lit, Makine nous conte comment un régime peut basculer. Comment le grand Tsar, adulé de son peuple, a été mis par terre par ce même peuple réclamant le communisme. La suite du récit nous montrera les perversions de ce nouveau régime. Aucun guide d’un peuple ne peut se légitimer dans l’absolu d’une toute puissance. Ce qui est vrai là-bas l’est aussi chez nous. Et donc, l’auteur interroge notre identité. Sommes-nous prêts à entendre ou succomberons-nous aux populismes de tous bords ? En clair-obscur, il invite le lecteur à s’interroger sur la fragilité de nos modèles politiques et sur l’absolue nécessité de maintenir une (des) langue(s) permettant les échanges de vue, des transferts culturels et le partage des attentes légitimes de chacun.
Le lecteur fera sans cesse des allers-retours entre la France magnifiée par Charlotte depuis ses terres enneigées de Russie et la France d’aujourd’hui qui a bien changé mais qui, peut-être, oublie un peu trop vite ce qui fit sa grandeur et lui assura une place d’importance sur l’échiquier des démocraties en devenir.
Si Makine est redevable à la France de son accueil, la France, et derrière elle toute la francophonie, lui doit une éternelle gratitude pour la manière dont il a sublimé notre langue… et notre humanité !
Cette lecture, je l’ai choisie en rencontrant deux challenges que j’ai décidé de poursuivre cette année: L’un de chez Gwen21, le Challenge Goncourt général et l’autre, chez Madame lit, qui lance son défi littéraire 2020, visitant différents prix littéraires annuels. J’y ai vu une opportunité pour sortir, parfois, de ma zone de confort et découvrir des titres que je n’aurais pas pointés sans eux. Merci donc à Madame lit et à Gwen21. Pour en savoir plus sur eux et les challenges, cliquer sur https://frconstant.com/2020/01/07/le-testament-francais/ , les liens y fonctionnent bien.