Pour un fan de Gagner la Guerre, se lancer dans cette nouvelle saga sonnait comme une évidence. Comment en effet ne pas être ravi de retrouver la plume de Jean-Philippe Jaworski l’espace d’un voyage au duché de Bromael ?
L’auteur se lance ici dans un style de narration à la façon du Trône de Fer, avec un point de vue qui change de personnage en fonction des chapitres, pour tisser une toile polyphonique du duché. L’approche, si elle a pour elle de nous faire découvrir le duché sous plusieurs angles, freine tout de même l’immersion. Difficile en effet de s’attacher aux personnages (tous nouveaux, ou presque) quand on ne peut les suivre que la longueur d’un ou deux chapitres.
Cette multiplicité de point de vue devient à la longue assez frustrante. Jean-Philippe Jaworski n’expliquant délibérément pas tout les tenant et aboutissants des actions de nos protagonistes – assurément pour garder une aura de mystère et justifier l’existence des deux prochains romans. Vous vous retrouvez donc non pas dans la peau d’Aedan ou du narrateur, mais simple spectateur, chevauchant à leurs côtés et s’étonnant avec les autres personnages de leurs actions a priori mystérieuses.
Dès lors, et même si les aventures que nous suivons sont toujours bien racontée, elles perdent pas mal en profondeur : sans comprendre les vrais enjeux d’un tournoi, comment pourrait-on frémir du danger, ou tenter de résoudre à la place des personnages l’intrigue posée par la situation politique tendue ?
Ce d’autant plus que les raisonnements brillants et stratagèmes politiques retords ne sont plus aussi présent que dans Gagner la Guerre (surement remplacés par ces longues descriptions du Duché : c’est l’occasion rêvée de devenir expert de la géographie du Vieux Royaume). Même si c'est le point sur lequel j’ai été le plus déçu, cela est tout même compréhensible : les intrigues de la très romaine Cidualia sont remplacées par un attachement à l'honneur et par les rapports de force brutaux d'un duché sous régime féodal.
Au final, on a plus l’impression que ce livre est une bonne introduction à une intrigue qui se promet d’être intéressante seulement dans les seconds et troisièmes tomes, plutôt qu’un bon livre en soi comme l’était Gagner la Guerre. C’est dommage, car la qualité de l’écriture est toujours là, et Jean-Philippe Jaworski réussi le tour de force de rendre le Vieux Royaume très réaliste. Pas facile en effet de rendre toute la magie médiévale crédible : mais on y croit, et on est vraiment aux côtés nos protagonistes quand ils se lancent dans l'action !
Relisant cette critique après coup, je me dis que je me suis lancé dans ce livre avec trop d’attente. Ne commettez pas la même erreur : ce livre est bon, mais ce n’est pas Gagner La Guerre version duché de Bromael.
Enfin s’il n’y a qu’une seule chose que je ne peux pardonner, c’est celle qui m’a titillée toute l’aventure : cette impression que l’arrivée de Benvento est sans cesse retardée (malgré le fait que nos protagonistes vont le croiser à plusieurs reprises pendant le roman, toujours avec le minimum d’interactions) : c’est à croire que l’auteur fait un pied de nez à son lecteur : je sais que tu veux que je te parle de lui, je vais te le monter pour attirer ton attention, mais si tu veux une vraie scène avec lui, tu vas devoir acheter mon prochain livre.
Et maintenant, longtemps après avoir terminé Le Tournois des Preux, je garde toujours avec moi cette épine dans le pied.
(Edit : pour la faire courte, si vous êtes fan de Janua Vera, ce livre est fait pour vous. En revanche, si vous avez juste été attirés par le nouveau livre de l'auteur de Gagner La Guerre, passez votre chemin)
(Edit n°2: J'attends de connaitre la suite pour adapter la critique : une longue introduction peut parfois cacher une très bonne trilogie)