Le premier tome de cette trilogie fait partie des rares livres impossibles à reposer sur la table avant de l'avoir dévoré.
J'écris cette critique avec un an de recul et la trilogie achevée, mais je ne spoilerai rien.
Ce roman s'adressera à tous les amoureux de la littérature médiévale et de Fantasy, dans un style, un vocabulaire proprement exceptionnel, je pèse mes mots. Comme toujours avec Jaworski, ayez votre dictionnaire à portée de main pour découvrir ces mots français qui sont de véritables pépites. Vous voulez savoir ce qu'est une algarade, un moucharabieh, une archegaye, un cainsil, une exérèse ? Lisez donc. Ceci n'est qu'une infime partie des mots que j'ai pu noter avec plaisir en interrompant ma lecture !
Jamais la couleur médiévale n'avait été si présente depuis ma lecture d'Erec et Enide en ancien français pour préparer le concours. J'ai presque parfois eu l'impression de lire une traduction d'un livre de Chrétien de Troyes, c'est dire à quel point c'est monstrueux...
L'histoire se déroule après les événements du merveilleux Gagner la guerre et son antihéros truculent. On y suit les pérégrinations du chevalier Aedan de Vaumacel, chevalier idéal, noble, courtois au possible que ça peut en frôler la caricature et c'est fait exprès. Car ce roman, en se déroulant dans le duché de Bromael et sa société féodale, aperçue dans Gagner la guerre, permet de brosser un portrait au vitriol de ses chevaliers engoncés dans leurs armures et leurs morales et vertus parfois complètement inconciliables. C'est l'occasion de voir des personnages totalement haut en couleur, hommes et femmes (FitzGanelon, Ganelon, la duchesse Audéarde, Yvorin de Quéant, Blancandin, Lanval et d'autres dont je t'aimais le nom pour ne pas spoiler...) On pourrait faire un roman sur la moitié des personnages qui nous sont décrits... ainsi, les personnages secondaires sont un énorme coup de cœur et peuvent se révéler plus attachant que notre cher chevalier aux épines, bien plus mystérieux.
L'auteur nous gratifie également d'un roman dans le roman, les fameux passages du Bel Églantier, l'œuvre légendaire de Bromael, son épopée, écrite en octosyllabes comme les romans médiévaux français. Petit régal de style, toujours illustrant un mystère de manière très subtile et dont le secret ne sera dévoilé que lors du dernier tome de manière proprement géniale.
Les scènes d'action, loin d'être en reste sont peut-être le point fort du roman à mon sens, tout bonnement crues, visuelles, précises et épiques, à moins que ce ne soit les dialogues écrits avec finesse et au couteau qui les surpassent. Mais cela, on le savait déjà après avoir lu Gagner la guerre.
Quelques descriptions pourront peut-être rebuter quelques lecteurs, mais cela fait partie du jeu de tout roman de Fantasy.
Cet aspect Fantasy justement, magique, toujours là à petite dose, sans en faire trop, comme dans un roman médiéval finalement, pour ceux qui ont lu Yvain ou encore Perceval par exemple.
Terminant par une chute, ce premier tome n'a peut-être pas l'unité du deuxième ou du dernier, il n'en demeure pas moins bluffant et ébouriffant notamment par le potentiel gigantesque qu'il renferme, et la langue fabuleuse qu'il déploie.
Un must.